Bruxelles, + 3 °C
A quoi ressemblerait la capitale de la Belgique si rien ne change
Alors que le monde fait face à de plus en plus d'événements (sur)naturels, les manifestations pour le climat se vident et la COP 29 est évitée par certains dirigeants politique.
Dans son rapport « Emission Gap Report 2024 », l’ONU affirme qu’avec les politiques actuelles, le monde se dirige vers un réchauffement global de +3,1 degrés d’ici la fin du siècle. Selon certains modèles de mesure, le monde affiche déjà +1,5 degré supplémentaire par rapport à l’ère préindustrielle.
Il est souvent difficile de se projeter dans cette potentielle réalité. Pour aider à la représentation, on a essayé d'imaginer Bruxelles dans quelques années.
Bruxelles, ça donne quoi dans un monde à +3 degrés ?
À quoi s'attendre
François Duchêne, expert en climat urbain, a travaillé sur cette question. Parmi ses travaux, il a notamment participé à l'élaboration du “Rapport climatique 2020”, qui “rassemble les résultats les plus récents des observations climatologiques et des recherches sur le climat” dans le but d’informer. Dans ce rapport, il s’occupe, avec d’autres, des modélisations des changements climatiques.
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Des sécheresses exceptionnelles, comme celle de 1976, pourraient être jusqu’à cinq fois plus fréquentes avant la fin du siècle. La diminution des précipitations estivales contribuerait directement à ce risque accru de sécheresse.
Source: Rapport climatique 2020
Les recherches de l’IRM montrent que, d’ici 2100, le nombre de vagues de chaleur pourrait tripler dans le centre-ville de Bruxelles. Avec une intensité doublée et une durée allongée de 50 %, ces vagues de chaleur deviendront la norme chaque été, surtout dans les zones urbaines comme Molenbeek, où les effets du réchauffement sont plus marqués.
Source: Rapport climatique 2020
3 degrés : ça peut sembler peu, mais c’est en réalité énorme
Pour mieux comprendre, comparons la Terre au corps humain. La température normale du corps humain est d’environ 36,5 °C. En cas de fièvre, elle monte à 38 ou 39 °C. Au-delà de 40 °C, cela peut devenir critique, voire fatal. Avec seulement 2 à 3 degrés de plus, on se sent extrêmement mal, car les organes commencent à ne plus bien fonctionner. La Terre fonctionne de la même manière : un petit changement de température engendre de grands effets.
Si la Terre se réchauffe, cela déclenche une réaction en chaîne : certains endroits se réchauffent plus vite que d’autres, ce qui entraîne des vagues de chaleur, des sécheresses et des inondations extrêmes. Le réchauffement modifie les courants marins, le cycle de l’eau, et perturbe les écosystèmes, causant des réactions en cascade.
Même une augmentation d’un degré a déjà perturbé de nombreux systèmes naturels. Si nous atteignons +3 degrés, il sera très difficile de revenir à un climat stable. Ici, un antidouleur ne suffit pas ; les effets du réchauffement sont durables et parfois irréversibles.
"Tout l'été, donc pendant plus de 90 jours, ça sera une vague de chaleur"
À Bruxelles, les vagues de chaleur seront de plus en plus intenses en été, au point que la chaleur estivale pourrait devenir plus meurtrière que le froid hivernal, qui s'adoucira au fil des années. Les quartiers les plus exposés seront ceux du centre et de Molenbeek. Pourquoi ? Parce que ces zones sont fortement bétonnées et denses, avec peu de végétation. À l’inverse, les quartiers de l’est de Bruxelles comme Uccle, Ixelles et Woluwe-Saint-Pierre, où les revenus sont plus élevés, bénéficient de plus d’espaces verts qui atténuent les effets de la chaleur.
On le voit sur cette carte : les quartiers plus riches sont aussi ceux qui disposent de plus de végétation. Des inégalités qui s'accentuent, car les personnes vivant dans des zones moins végétalisées auront plus de difficultés à supporter le réchauffement climatique que celles disposant de davantage de moyens.
Aujourd'hui, plus de la moitié de la région bruxelloise est recouverte de surfaces imperméables (routes, bâtiments, parkings), empêchant l'eau de pluie de s'infiltrer naturellement.Dans le Pentagone, ce chiffre atteint 93 %. Résultat : des risques d'inondation et une pollution des eaux par les ruissellements.
Source : Expertise EAB
Les modèles montrent qu'une inondation similaire à celle qui avait touché la région liégeoise en 2021 pourrait toucher Bruxelles dès 2027. La densité de population, l’imperméabilisation des sols et l’importance stratégique des infrastructures rendent la capitale particulièrement vulnérable.
Source : Expertise EAB
Un habitant sur trois est potentiellement exposé au risque d’inondation et 21% de la superficie régionale se situent en zone inondable
Source : Bruxelles Environnement, sur base de la carte d’aléa d’inondation version 2019
Des précipitations qui s'accentuent en hiver
Cette carte permet d'observer les aléas et les risques d’inondation à Bruxelles. Cependant, réalisée en 2019, elle ne reflète plus totalement la réalité d’aujourd’hui, et encore moins celle de demain. En effet, d’après Bruxelles Environnement, 21 % de la superficie régionale se situent en zone inondable, mais ce chiffre pourrait encore augmenter avec l'intensification des précipitations due au réchauffement climatique.
Il existe deux types d’inondations : les inondations pluviales, causées par des pluies torrentielles de courte durée qui saturent les égouts, et les inondations fluviales, provoquées par des pluies prolongées qui font déborder les cours d’eau. À Bruxelles, les deux types peuvent se produire, bien que les inondations pluviales soient les plus fréquentes.
Selon un rapport de l’Institut Royal Météorologique (IRM), en partie rédigé par François Duchêne, les précipitations hivernales pourraient augmenter de 30 % d’ici 2085 par rapport à la période 1976-2005.
" Bruxelles comme toute la Belgique, avec +3°C, il faut s'attendre à des épisodes pluvieux beaucoup plus importants"
Enfin, le bureau d’expertise EAB révèle que les sols du pentagone de Bruxelles sont imperméables à 93 %, et à 85 % dans les quartiers de la première couronne. Ce phénomène touche particulièrement les quartiers centraux, accentuant encore les inégalités sociales face aux risques d’inondation.
Repenser la ville
Du végétal ou de la peinture blanche : deux solutions pour lutter contre la chaleur urbaine
Les conséquences du réchauffement climatique sont bien réelles, et pour y faire face, il est essentiel de s’adapter. Bruxelles a prévu un plan de gestion des risques d’inondation, où la priorité est donnée à la prévention. L'objectif principal est de restaurer le cycle naturel de l’eau en favorisant l’infiltration, le stockage dans des bassins de rétention naturels, et la déconnexion des eaux pluviales du réseau d'égouttage.
Concernant la chaleur, François Duchêne propose deux solutions qui pourraient être efficaces. La première serait de remplacer certains bâtiments par de la végétation pour réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain et atténuer la sensation de chaleur. La seconde consisterait à recouvrir les bâtiments et les routes d'un revêtement blanc qui réfléchirait la chaleur pendant la journée. Reste à savoir si ces mesures sont réalisables et pourraient être mises en place rapidement, car elles deviendraient presque inefficaces si le réchauffement climatique dépasse les 3 degrés.
"Ça atténuait pas mal les vagues de chaleur jusqu'au milieu du siècle"
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Vers d'autres mentalités
Évidemment, dans un monde où l'énergie serait illimitée, il serait facile de trouver des solutions aux conséquences du réchauffement climatique. Mais, l'énergie étant limité, cela impose un changement de comportements.
"Le problème du changement climatique, c'est qu'il se couple à d'autres problèmes auxquels on fait face"
"Business as usual" est le nom donné à la projection qui montre les résultats si nous continuons à suivre nos habitudes actuelles. Mais selon François Duchêne, c’est en réalité un paradoxe, car il ne croit pas qu'il soit possible de maintenir notre mode de vie actuel si la nature commence à se rebeller.
Écoute le podcast "Vers d'autres mentalités" en cliquant ici :
Bref, le monde se trouve à un moment décisif, et des choix stratégiques devront être faits. Faut-il opter pour un scénario de sobriété, ou est-ce que la technologie pourra changer la donne ? Peut-être que la réponse résidera dans un compromis entre les deux.