L'Église catholique belge a-t-elle changé d'avis sur l'euthanasie ?

Depuis la dépénalisation de l’euthanasie en 2002, les catholiques belges adoptent une approche plus pragmatique, sans pour autant renier leurs valeurs.

En 1999, pour la première fois depuis 40 ans, les chrétiens démocrates ne prennent pas part à un gouvernement. L’exécutif « arc-en-ciel » (libéraux, socialistes et écologistes) saisit l’opportunité pour avancer sur la question de la fin de vie. En résulte l’adoption de la loi du 28 mai 2002 dépénalisant l’euthanasie par le Sénat et la Chambre des Représentants.

Et aujourd’hui ? Est-ce que les choses ont changé ? L’Église belge, certes moins liée qu’auparavant aux partis politiques, a-t-elle fait évoluer son point de vue quant à cet acte médical ?

Guibert Terlinden a œuvré en tant que prêtre et aumônier à l’hôpital de Saint-Luc (Bruxelles) pendant 31 ans. Au cours de sa carrière, il a accompagné plusieurs patients qui ont eu recours à l’euthanasie. Il explique le point de vue d’une Église belge moins conservatrice que le Vatican.

Y a-t-il eu une évolution dans la position de l'Église sur cette question depuis sa dépénalisation ?

L’avis de l’Église belge en la matière n’a pas beaucoup évolué depuis 2002. Jamais elle ne trouvera cet acte vertueux.

En fait, la principale inquiétude de l’Église vis-à-vis de cette pratique, c’est qu’elle ne veut pas que la vulnérabilité d’un patient soit le motif de l’euthanasie. Ce n’est pas parce qu’un individu ne sert plus à la société qu’il doit être « liquidé ». Nous plaiderons toujours pour des solutions alternatives, positives plutôt que négatives. L’Église se posera toujours en protectrice des plus vulnérables.

Que dit l’Église belge des souffrances endurées par les patients ?

C’est là que nous apportons nos nuances. Avant tout, l’euthanasie est un choix personnel qui doit être éclairé. C’est précisément le rôle que s’est donné le catholicisme en Belgique : éclairer les consciences. Nos valeurs et nos traditions doivent servir de matière à penser pour les patients, mais nous n’imposerons jamais rien. D’ailleurs, l’Église n’a rien à faire au pouvoir, mais elle doit continuer de témoigner sur ce que sont ses valeurs.

Il y a une phrase de Saint Luc qui résume très bien cette vision : « Pourquoi ne discernez-vous pas par vous-même ce qui est bon ? ».

Y a-t-il des dissensions au sein de l’Église ?

Oui, bien sûr. Elle reste un corps avec ses tendances et voies de recherche. Je pense que la fracture la plus évidente, c’est celle qui nous sépare du Vatican. Bien que nos valeurs et notre héritage soient les mêmes, je constate que Rome est bien plus conservateur que nous. L’Église catholique belge s’est même « libéralisée », si j’ose dire. Par exemple, les évêques de Belgique plaident désormais activement pour laisser la possibilité aux femmes d’exercer la fonction de diacre (NDLR : sur le sujet des femmes diacres, le Vatican n’en est qu’au stade « d’ouverture du débat »).

En ce qui concerne la fin de vie, le Vatican n’accepterait jamais qu’un prêtre accompagne une euthanasie. Tandis que chez nous, les évêques ne prennent pas position dans les questionnements du patient et accompagnent toute personne qui fait ce choix.

Et puis, n’oublions pas les différents courants du christianisme qui émettent leurs nuances aussi. Les protestants ne sont pas forcément contre l’euthanasie et poussent davantage le curseur de la liberté de conscience par rapport aux catholiques.

Justement, pouvons-nous dire que l’Église belge s’est « protestantisée » par rapport à la position du Vatican sur ce sujet ?

Je pense que nous sommes simplement habitués à la culture du compromis. La Belgique est née dans une culture à la fois libérale (franc-maçonne) et à la fois catholique. Nous avons dû composer ainsi dès le départ.

Et puis, la loi sur la fin de vie a toujours placé l’euthanasie comme un ultime recours. Les soins palliatifs sont toujours privilégiés par rapport à cette solution. S’il n’y avait pas eu cette mention dans le texte, alors oui, je l’aurais qualifié d’indigne. Heureusement, je dois reconnaître que la loi est plutôt bien faite à ce niveau-là.

Je tiens à conclure en précisant ceci : contrairement à ce qu’il s’est passé lors des débats sur l’avortement, ceux qui s’opposaient à l’euthanasie venaient de tous bords politiques. La question reste sensible et n’est pas forcément liée au religieux.