Peut-on se préparer à la mort d'un proche ?

Lorsqu’on perd un proche suite à son euthanasie, le processus de deuil est unique. C’est un deuil qui se prépare, qui se vit avant même la mort de l’être cher. Pour chacun, il peut prendre une forme différente. Margaux a accepté de partager son histoire et son ressenti avant l’euthanasie de son grand-père.
Il y a un peu plus d’un an, Margaux apprend que son grand-père a pris la décision de se faire euthanasier. Ce jour-là, elle comprend qu’elle va devoir accompagner celui qui l’a vue grandir vers son dernier voyage. Elle ne s’en rend pas encore compte, mais dans les mois qui vont suivre, les rendez-vous médicaux, les discussions compliquées et les obligations administratives vont s’enchaîner jusqu’au jour fatidique. C’est le début d’un processus de deuil « programmé » qui commence pour Margaux et ses proches.
Le jour de l’annonce, elle se dit « détachée », c’est sa maman qui lui explique que son grand-père ne supporte plus ses conditions de santé et qu’il veut avoir recours à l’euthanasie dans les plus brefs délais. Elle n’est pas étonnée et se sent même soulagée. Elle explique qu’elle comprend pourquoi son grand-père émet ce souhait.
Depuis quelques années, il souffre d’une maladie dégénérative de la vue qui l’a rendu aveugle, moins autonome. Il est finalement placé en maison de repos, son état de santé rendant une vie indépendante totalement impossible. Toutes ces circonstances ont drastiquement impacté sa santé mentale jusqu’à ne plus supporter de vivre dans ces conditions.
À ce stade, ce sont la maman de Margaux et sa marraine qui prennent en main les démarches administratives pour aider leur papa à faire en sorte que tout se déroule correctement. Jusqu’au jour où ce dernier remet sa décision en question et refuse de rencontrer un psychiatre, étape obligatoire dans son processus d’euthanasie. S’enchaînent alors une succession d’allers-retours entre « oui » et « non ». Le processus qui n’était pas simple à la base, se complexifie de plus en plus. Margaux trouve cette hésitation insupportable et se met à la place de sa maman qui doit gérer tout ça malgré la tristesse que la situation peut lui procurer. Elle regrette que son grand-père ne se rende pas compte des complications que cela engendre pour sa famille qui s’implique et doit encaisser tous ses changements d’avis.
Fin août, le grand-père de Margaux arrête une décision : il décide de poursuivre les démarches pour accéder à l’euthanasie. Une première approximation de date est même fixée pour début octobre. Margaux explique : « Ça peut sembler bête, mais à ce moment-là ce qui est compliqué ce sont les arrangements pour que la date convienne à tout le monde. C’est un autre côté à prendre un compte. » Elle dit ne pas encore se rendre réellement compte qu’ils sont en train de choisir une date à laquelle son grand-père partira.
Après quelques complications administratives, la date, qui a été reportée à plusieurs reprises, est finalement arrêtée : l’euthanasie aura lieu le 3 décembre 2024. Les choses se concrétisent, Margaux le ressent : « Il y a un compte à rebours qui est enclenché ». Elle confie que c’est réellement à ce moment-là que l’information la percute, des questions lui viennent, il est difficile de se projeter dans la mort de quelqu’un qui lui est cher, « il n’y a pas de manuel pour s’y préparer, c’est compliqué d’imaginer ce que je ressentirai ». Margaux commence à redouter le moment, à « décompter » les jours. Elle est triste pour sa maman car elle se rend compte que si elle va perdre son grand-père, sa maman, elle, va perdre son papa et décide même du jour où cela se passera.
Dans un autre sens Margaux est soulagée que le processus soit réellement engagé, elle pense que c’est la meilleure chose pour son grand-père mais aussi pour toute sa famille qui a été touchée par les rebondissements des derniers mois. Elle sent que le deuil commence à se faire, même si elle ne peut pas encore s’imaginer comment cela se passera pour elle après le 3 décembre. Elle confie qu’elle ne sait pas vraiment comment elle peut s’y préparer ni même si elle doit s’y préparer. Elle essaye d’être présente pour sa maman et sa marraine. Malgré la tristesse qu’elle ressent, elle est sereine et dit qu’elle tentera de l’être jusqu’au 3 décembre, une date qui, on peut l’imaginer prendra une autre résonance après l’euthanasie de son grand-père. Elle a d’ailleurs décidé de ne pas assister à ce moment pour garder une image plus jolie de celui qui l’a accompagnée tout au long de sa vie, un choix important selon elle pour pouvoir faire son deuil de manière plus sereine.