L'extrême droite a-t-elle un avenir chez nous ?

Avec l'arrivée du nouveau parti Chez Nous en territoire wallon, Mammouth s'est penché sur la pérennité des partis d'extrême droite en Belgique francophone.

Photo: CegeSoma / Archives de l'Etat

Photo: CegeSoma / Archives de l'Etat

Mercredi 27 octobre, Jérôme Munier et Grégory Vanden Bruel ont officiellement lancé le parti d'extrême droite Chez Nous. Deux ans seulement après la dissolution du Parti Populaire (PP), ces anciens membres veulent s’imposer en Wallonie et plus précisément dans les provinces de Liège et du Hainaut. Cependant, cela semble mal parti. Le meeting de lancement de la formation devait se tenir à Herstal et être ouvert au public. Mais des partisans de la FGTB et des étudiants de l’université de Liège se sont opposés à sa tenue. Il a été annulé.

Pourquoi ces acteurs identitaires peinent-ils à s’imposer en Wallonie ? La droite radicale est devenue incontournable en France, en Flandre et ailleurs. Y-a-t-il une exception wallonne ?

De droite à gauche : Tom Van Grieken (VB), Jérôme Munier (Chez Nous), Jordan Bardella (RN) et Grégory Vanden Bruel (Chez Nous)

De droite à gauche : Tom Van Grieken (VB), Jérôme Munier (Chez Nous), Jordan Bardella (RN) et Grégory Vanden Bruel (Chez Nous)

Le meeting du nouveau parti de droite identitaire Chez Nous devait avoir lieu dans une salle de la commune d’Herstal. Il s’agissait de la salle La Fabrik, selon nos sources. Pour des raisons de sécurité, le lieu devait être communiqué par SMS trois heures avant l’événement. Deux figures de la droite radicale y étaient invitées : le bras droit de Marine Le Pen au Rassemblement National (RN), Jordan Bardella, et Tom Van Grieken, Président du Vlaams Belang (VB).

Jordan Bardella, Président du Rassemblement National. Source : Facebook Jordan Bardella (CC BY NC SA)

Jordan Bardella, Président du Rassemblement National. Source : Facebook Jordan Bardella (CC BY NC SA)

Tom Van Grieken, Président du Vlaams Belang. Source : Facebook Tom Van Grieken (CC BY NC SA).

Tom Van Grieken, Président du Vlaams Belang. Sources : Facebook Tom Van Grieken (CC BY NC SA).

Après l’annonce de ce meeting, les réactions hostiles ne se sont pas faites attendre. Le Front AntiFasciste de Liège (FAL) a publié un événement sur sa page Facebook appelant à la mobilisation massive. Les militants étaient invités à communiquer toutes les informations relatives à l’éventuelle réservation d’une salle le mercredi 27 octobre au nom de Jérôme Munier, Anne Maurice ou Patricia Potigny (ex Listes Destexhe), tous membres de l’ASBL « La Ruche ». Le nom du lieu a fini par fuiter. Ainsi, le bourgmestre d’Herstal, Jean-Louis Lefèbvre (PS), a décidé d’annuler le meeting sur sa commune. Il n’a cependant pas souhaité répondre à nos questions. 

Image: Facebook du Frant Antifasciste Liège (CC BY NC ND)

Malgré l’introduction d’un recours en référé, Jérôme Munier et Grégory Vanden Bruel ont dû changer leur plan. Le lancement s’est finalement transformé en conférence de presse dans un hôtel à Enghien, selon nos sources. Nos reporters ont tenté de rejoindre ce meeting, mais seules les équipes de la RTBF et d’AFP ont pu se rendre sur place. Selon le parti, les inscrits ont été remboursés et ont pu assister au live Facebook prévu par leur équipe de communication.

Ce n’est pas la première fois que l’extrême droite doit annuler ses événements en Wallonie. Deux ans plus tôt, plus de deux cents personnes s’étaient rassemblées devant l’hôtel de ville de Verviers pour protester contre la venue de Théo Francken pour la parution de son livre : « Continent sans frontière ». L'ancien secrétaire d'Etat avait prévu le coup et loué plusieurs salles, au cas où son meeting devait être annulé.

Photo: Photographe du parti (CC BY NC ND)


Une histoire morcelée

Photo : viarami (Pixabay, CC)

Photo : viarami (Pixabay, CC)

Les formations politiques identitaires se sont multipliées dans le courant du vingtième siècle.  En Wallonie, elles n’ont toutefois pas connu le succès escompté et se sont rapidement dissolues. Le Rex est fondé en 1930 et disparaît dès 1945. En 1985, le Front National est créé à son tour. Il existera jusque dans les années 2010. En 2019, le Parti Populaire a, lui aussi, jeté l’éponge. Cela faisait dix ans qu’il tentait tant bien que mal de s’imposer.

Le paysage politique wallon est aujourd’hui composé de cinq partis ancrés dans la droite radicale : le Parti National Européen, Agir, Nation, la Droite Populaire et les Belges d’abord. La nouvelle formation Chez Nous, fondée par Jérôme Munier et Grégory Vanden Bruel, rejoint désormais cette liste. 


Aujourd’hui,  l'étiquette « extrême droite » n'a plus vraiment la cote dans les jargons politiques. « Classer une formation politique à l’extrême droite est une sentence de mort médiatique. Le cordon sanitaire va empêcher ces formations d’avoir une visibilité ou une médiatisation positive », explique Nicolas Baygert, docteur en information et communication. Ce qui explique pourquoi cette étiquette radicale est refusée par l’ensemble de ces partis. Elle a, entre autres, participé à l’interdiction de la tenue du meeting fondateur du parti Chez Nous. Jérôme Munier parle de censure.

Nicolas Baygert ajoute que la notion d'extrême droit répond à des critères précis, « tels que le refus du parlementarisme et le rejet de la démocratie. Or, on constate que la plupart des formations de droite radicale ne refusent pas la démocratie et jouent le jeu des élections. »

Logo du parti Chez Nous. Source : Facebook du Parti. (CC BY NC ND).

Logo du parti Chez Nous. Source : Facebook du Parti. (CC BY NC ND).

Exemple de propagande du Parti Chez Nous. Source : Facebook du Parti. (CC BY NC ND).

Exemple de propagande du Parti Chez Nous. Source : Facebook du Parti. (CC BY NC ND).

Cependant, la notion “extrême droite” peut toujours être utilisée lorsqu’il y a lieu de faire des comparaisons. En ce qui concerne Chez Nous, le choix du nom de parti témoigne de la mouvance identitaire dans laquelle veulent s’inscrire les deux fondateurs. Ainsi, le « nous » ferait allusion à un marqueur civilisationnel et européen. « C’est l’Europe telle qu’elle est rêvée par les mouvements conservateurs », ajoute Nicolas Baygert.

Cela étant, le parti Chez Nous peut être qualifié de formation d’extrême droite au même titre que le Vlaams Belang en Flandre ou le Rassemblement National en France. Plusieurs éléments permettent d’affirmer son ancrage dans une idéologie de la droite radicale. Tout d’abord, le programme mobilise un discours populiste. En d’autres termes, des élites hors-sol gouverneraient au mépris du peuple, bafoueraient les traditions. Ensuite, les questions sécuritaires et migratoires sont au cœur des préoccupations du parti. Un amalgame est créé entre l’insécurité et l’immigration en Wallonie.

Mais le parti Chez Nous a tout intérêt à se démarquer des autres formations radicales. Le passé a démontré que l’extrême droite n’était pas bien accueillie dans le sud du pays. « Ce qui ressort fortement en Wallonie, c’est l’absence structurelle d'une représentation de l’extrême droite, notamment au sein des assemblées », éclaire Benjamin Biard, politologue au CRISP. Des partis politiques d’extrême droite francophone ont tout de même tenté de s’imposer, avec plus ou moins de succès, en Belgique. « Par exemple, en 1985, le Front National tente de se développer et attire à lui un certain nombre d’électeurs issus du Parti des forces nouvelles et d’autres formations ou groupuscules. Il parviendra quand même à se maintenir dans le paysage politique francophone quelques années, puisque c’est seulement vers 2010 que cette formation disparaît à cause d’un procès intenté par Marine Le Pen. »

Une communication directe, sinon rien

Photo : geralt (Pixabay, CC)

Photo : geralt (Pixabay, CC)

Sur base de la loi Moureaux, qui vise à réduire le racisme et la xénophobie, Jos Geysels introduit le cordon sanitaire en 1989. D’une part médiatique et d’autre part politique, il ne s’applique pas de la même façon au nord et au sud du pays. Le cordon sanitaire politique, qui est d’application sur tout le territoire, vise à éviter que des partis ne forment une coalition avec un parti d’extrême droite. Dans le système politique et électoral belge, il est pratiquement impossible pour un parti d’accéder au pouvoir sans coalition. Le cordon sanitaire politique, n’a cependant jamais été aussi fragile que maintenant. Le Vlaams Belang étant devenu le second parti néerlandophone, les experts parlent de plus en plus d’une possible coalition avec la NVA. Si c’était le cas, le cordon sanitaire politique aurait été rompu, pour la deuxième fois de son histoire. Pour rappel, il avait été rompu pour voter la loi de la compétence universelle. C'était en 2003.

Quant au cordon sanitaire médiatique, qui lui n’est appliqué que dans le paysage médiatique et politique francophone, il permet de ne pas donner de temps de parole aux partis d’extrême droite dans les médias. Cette pratique rend la campagne politique presque impossible pour les partis d’extrême droite. Pour contourner cette pratique, ces partis doivent se concentrer sur leur propre communication.

Le Vlaams Belang, maître de la communication

Le Vlaams Belang (VB), anciennement Vlaams Blok, a réussi là où ses prédécesseurs ont échoué. En 2019, le Vlaams Belang est devenu le second parti flamand au Parlement et ce, malgré le cordon sanitaire. Cette réussite est fortement liée à l’embauche de Bart Claes en 2015, nouveau responsable en communication du parti. Bart Claes s’inspire des communications pro-Brexit et trumpienne. Il mise sur les relations directes avec les militants, via les réseaux sociaux.

Image: Facebook du parti (CC BY NC ND)

À l’instar de l’ancien président américain, le Vlaams Belang tente de n’avoir plus besoin des médias pour attirer l’attention. Leurs stratégies communicationnelles ont permis la création d’une réelle communauté. A ce jour, le Vlaams Belang compte plus de 600 000 adhérents sur Facebook, 59 000 sur Instagram et près de 25 000 sur Tik Tok. Son but est de créer une communauté active, qui partage, aime, commente les différentes publications du parti.

Image: Geralt (Pixabay, CC)

La création de cette communauté n’a pas été sans frais. En 2019, plusieurs centaines de milliers d’euros ont été injectés dans les réseaux sociaux pour mettre en avant des publications et de la propagande. La page Facebook de Tom Van Grieken, chef du parti, a également été boostée. Une investigation de la RTBF révèle que le budget octroyé à la communication s’élève à 1,2 millions d’euros. Cinq fois plus que tous les partis francophones réunis, pour la même période.

La communication moins maîtrisée du parti Chez Nous

Nouveau dans la politique, le parti Chez Nous a compris qu’il fallait s’appuyer sur la réussite de ses homologues d’extrême droite. En invitant Jordan Bardella, membre du Rassemblement National en France et Tom Van Grieken, chef de parti du Vlaams Belang, le parti Chez Nous a joué de l’argument d’autorité lors de sa soirée de lancement le 27 octobre dernier.

Comme l’a souligné Nicolas Baygert, docteur en information et communication, la majorité des partis d’extrême droite s’appuient sur la personnalité de leur chef de file : Tom Van Grieken, Marine Le Pen ou encore Eric Zemmour. En ce qui concerne Chez Nous, il ne compte aucun grand nom au sein de son parti et a donc dû s’appuyer sur la présence de Jordan Bardella et Tom Van Grieken lors de sa soirée de lancement. Cette manœuvre avait aussi été réalisée par le Vlaams Belang lors d’un meeting en 2019. Le parti flamand avait invité Matteo Salvini, chef du parti italien Ligue du Nord. 

Cet appui sur Jordan Bardella et Tom Van Grieken est totalement assumé par le néo-parti wallon qui n’a pas hésité à partager ce parrainage sur sa page Facebook et son site internet. Il est d’ailleurs possible de les retrouver dans la vidéo de présentation du parti dans laquelle ils prennent tous deux la parole. La stratégie de publication du parti sur Facebook peut, en termes de contenu, ressembler à celle mise en place par Bart Claes (VB). Cette stratégie permet d’avoir une plus grande adhésion et plus de clics sur les différents contenus.

La grande différence entre le Vlaams Belang et le Parti Chez Nous réside dans l’efficacité de la communication. Bien que le parti wallon essaye d’être présent sur les réseaux sociaux, on ne le retrouve que sur Facebook et il retient une très petite communauté, d’environ 1000 abonnés. Jérôme Munier, coprésident du parti, a souligné qu’une page Instagram arriverait dans les prochains mois. Le parti y partagera des images prises par leurs militants, tout comme le fait le Vlaams Belang.

Il est important d'écrire qu’à peine une semaine après la soirée de lancement, le site n’est déjà plus à jour. À l’heure où nous écrivons ces lignes, soit 13 jours après le lancement avorté, il est possible de voir la publicité invitant les militants à se rendre à cette soirée de lancement. Un oubli qui montre d’ores et déjà un manque de rigueur de la part du parti en termes de communication.

Affiche du premier meeting du Parti Chez Nous. Source : Facebook du Parti. (CC BY NC ND)

Affiche du premier meeting du Parti Chez Nous. Source : Facebook du Parti. (CC BY NC ND)

Le parti Chez Nous a bien compris que le cordon sanitaire n’allait pas lui faciliter la tâche et qu’il devrait se battre pour perdurer, à l’image du Vlaams Belang. Dès lors, il lui faudra une campagne communicationnelle irréprochable, mais aussi de gros investissements financiers.

Quels choix de financement pour l'extrême droite?

Photo : mohamed_hassan (Pixabay, CC)

Photo : mohamed_hassan (Pixabay, CC)

Afin de toucher autant de monde que le Vlaams Belang, le parti Chez Nous a besoin de dépenser de grosses sommes d’argent pour cibler et booster ses publications. Le parti étant très jeune, il ne possède pas encore les fonds nécessaires pour réaliser une campagne d’une telle envergure. Si Jérôme Munier souligne que son équipe booste déjà certaines publications sur Facebook, on parle en dizaines d’euros et non en milliers, comme du côté néerlandophone. 

Pour obtenir les fonds nécessaires à la survie et à l’expansion d’un nouveau parti, les néo-partis font soit appel à des financements privés soit, perçoivent des dons de personnes physiques.

Chez Nous opte pour la seconde option. Toute personne qui souhaite intégrer et/ou soutenir le parti peut faire un don de la somme souhaitée. Que ce soit 1 ou 1000 €, le don est accepté. Jérôme Munier ne souhaite pas imposer de montant minimum "pour ne pas faire de discrimination envers ceux qui ont moins de moyens".

Notre équipe a regardé s'il était légal qu’un citoyen verse de telles sommes à un parti. Depuis la loi du 4 juillet 1989, il est interdit pour un citoyen de donner annuellement plus de 500 € à un même parti politique. Jérôme Munier nous répond que le parti Chez Nous n’est toujours pas considéré comme un parti, car ils n’ont encore aucun élu.

Si le parti venait à avoir des sièges à l’issue des élections 2024, il devrait donc réguler et mettre un plafond sur sa plateforme de dons. Le parti recevrait dans ce cas un soutien financier du fédéral qui varie en fonction du nombre de sièges obtenus à l’issue des élections.

Bien que le rythme de donations a augmenté à la suite de la soirée de présentation, il risque de ralentir d’ici la prochaine échéance. À 3 ans des prochaines élections, le parti va devoir démarcher pour obtenir le soutien souhaité. Jérôme Munier évoque des « réunions Tupperware » qui sont courantes en politique. Le concept de ces soirées : un « meeting » chez l’habitant afin d’avoir un lien plus étroit avec leurs militants, parler du programme, mais surtout pour promouvoir le parti et obtenir des dons.

Le fruit des dons va directement sur le compte de l’ASBL « La Ruche » dans laquelle on retrouve trois personnes dont Anne Maurice, Patricia Potigny et Jérôme Munier. Selon ce dernier, aucun membre du parti ou de l’ASBL n’a fait de versement vers le parti et aucun d’entre eux n’est rémunéré par les dons. Il a aussi répondu que, ni le Vlaams Belang, ni le Rassemblement National, tous deux présents lors de la soirée de lancement, ne les a soutenus financièrement. Notre équipe n’a pas pu vérifier ces propos.

Le 5 novembre, le parti aurait reçu 15 000 €. Difficile donc de les imaginer pouvoir dépenser les quelques 1,2 millions investis par le Vlaams Belang pour les élections de 2019.

Photo : Peter-facebook (Pixabay, CC)

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Photo : Daniel_B_photos (Pixabay, CC)

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Photo : bartek001 (Pixabay, CC)

Photo : bartek001 (Pixabay, CC)

Exemple de propagande avec la ruche mise en avant. Source : Facebook du Parti Chez Nous. (CC BY NC ND)

Exemple de propagande avec la ruche mise en avant. Source : Facebook du Parti Chez Nous. (CC BY NC ND)

Les principaux arguments de l’extrême droite aujourd’hui

Photo: Arman Mottard (CC BY NC ND)

Photo: Arman Mottard (CC BY NC ND)

Le nationalisme. Voilà un mot qui pourrait très bien décrire l’extrême droite actuelle. Depuis des décennies en Belgique, mais également en Europe et partout dans le monde, l’extrême droite  existe au travers de deux arguments récurrents que sont, d’une part, le rejet de l’autre (souvent étranger), et d’autre part, la sauvegarde des valeurs traditionnelles, culturelles ou religieuses.

Depuis le début des années 2000, le principal argument de l’extrême droite est basé sur l’islamisation et la migration. Suite aux attentats du 11 septembre et la revendication de ceux-ci par Al-Qaïda, les partis d’extrême droite se sont emparés de la question de l’islamisation de l’Europe. Les attentats de Paris en novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016 ont apporté de l’eau au moulin.

Photo: (Pixabay, CC)

La migration est également un gros point du cahier des charges de l’extrême droite. Les conflits incessants au Proche-Orient obligent les habitants de ces zones à risque à quitter leur pays et à tenter de rallier l’Europe en quête d’une meilleure vie. En les diabolisant et en insinuant que les migrants seraient responsables des maux sociétaux tels que le chômage, la précarisation ou encore la violence, l’extrême droite attise la peur de son électorat et prône le rejet de l’autre.

Photo: (Pixabay, CC)

Depuis une dizaine d’années, les partis d’extrême droite n’ont eu de cesse de voir leur électorat s’agrandir et leur nombre de sièges augmenter dans plusieurs pays d’Europe. On peut par exemple citer, près de chez nous, le Rassemblement National (RN) incarné par Marine le Pen qui a vu les élections présidentielles de 2017 lui rapporter 33,90% des voix, ou encore le Partij voor de Vrijheid (PVV) de Geert Wilders au Pays-bas qui est actuellement le 3ème parti du pays. Même l’Allemagne, après l’épisode douloureux de la seconde guerre mondiale, voit Alternative für Deutschland (AFD), certes en léger recul, comptabiliser 10,3% des voix lors des dernières élections d’octobre 2021. Tout cela sans parler de l’Europe de l’Est où l’exemple de la Hongrie est le plus parlant.

Photo: (Pixabay, CC)

Ces partis d'extrême droite actuels ne sont ni anti-démocratiques, ni anti-parlementaristes. Ils sont tout à fait enclins à se prêter au « jeu » des élections. C’est donc bien leur idéologie qui pose problème pour établir tout débat politique.

En Belgique, les partis d’extrême droite peuvent difficilement répondre à ce critère de nationalisme. Le pays étant un pays « morcelé » en régions totalement différentes, ne partageant pas la même culture, les mêmes idéologies et la même langue, il est donc plus compliqué de voir émerger un sentiment d’appartenance à une nation. L’adhésion identitaire à une région, une culture, voire une civilisation, prévaut. Le parti Chez nous revendique cette ligne de conduite. Il se classe comme parti populiste avec des revendications identitaires affirmées. La rhétorique met en avant  le terroir régional, le patrimoine, ainsi que les valeurs traditionnelles.

Photo: (Pixabay, CC)

Quel avenir pour le parti Chez Nous ?

Photo: Arman Mottard (CC BY NC ND)

Photo: Arman Mottard (CC BY NC ND)

Plusieurs éléments permettent d’avancer que l’avenir du parti Chez Nous est semé d'embûches. Cette formation s’inscrit d’emblée dans le registre de l’extrême droite. C'est pourquoi elle rencontre directement l’opposition d’une grande partie de la société civile, mais également des oppositions très nettes sur les plans politique et médiatique. Cela risque de déforcer le parti en empêchant sa structuration et son développement électoral. Mais, si le parti surfe sur la défiance d’une partie de la population envers les médias et les élites politiques, cela pourrait tout aussi bien contribuer à le renforcer. 

Second obstacle, le parti Chez Nous n’est porté par aucune personnalité politique forte. « On a une personnalité, Jérôme Munier, qui n’est pas, à priori, connue du grand public. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas de passif politique. Il a notamment été président des Jeunes du Parti Populaire », précise Benjamin Biard du CRISP. Cependant, Chez Nous s’est montré proche de deux partis très importants sur le plan électoral et dans les sondages : le Vlaams Belang (VB) et le Rassemblement National (RN). « Être  proche de formations comme celles-là peut aussi contribuer à accroître le crédit de cette nouvelle formation. » 

Alors que de plus anciennes formations d’extrême droite ont peiné à se maintenir en Wallonie, Chez Nous semble déterminé à modifier le paysage politique. « Cette nouvelle formation entend être différente des autres partis et groupuscules pour s’imposer et tenter de réussir là où les autres ont échoué, c’est-à-dire à gagner en légitimité et en représentativité au sein des différentes assemblées parlementaires », conclut le politologue Benjamin Biard. L’objectif est clair : s’imposer sur l’échiquier électoral en Wallonie et à Bruxelles en 2024. Reste à savoir si les électeurs wallons mordront à l’hameçon.