Harcèlement scolaire

Vers qui se tourner ?

Unsplash : a_cat

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Un élève sur trois

Le harcèlement scolaire est loin d'être un phénomène nouveau. Pourtant, il continue de frapper de plein fouet nombre d'élèves, quel que soit le type d'établissement pédagogique. Comment expliquer la persistance de ce problème ?

Un élève sur trois est concerné par le harcèlement à l’école. Ces chiffres sont ceux d'une enquête de l’UCLouvain réalisée en 2014, entre la 6e primaire et la 3e secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ces élèves sont soit victimes (16,4%), soit auteurs (13,9%), ou même auteurs-victimes (4,7%).

Dans une société interconnectée via les réseaux sociaux, le harcèlement ne s’arrête plus à la sortie des classes. Il enfonce les portes de nos vies privées et s’installe dans nos canapés, dans nos moments passés en famille, dans nos instants les plus privilégiés. Une telle ampleur nous amène à nous poser une question cruciale : le harcèlement scolaire est-il enfin pris au sérieux par les institutions qui en ont la charge ?

"La prof n'avait pas plus envie que ça de nous aider"
Alizée, victime de harcèlement

C’est sous les noms d’emprunts d'Alizée et de Juliette que deux victimes de harcèlement scolaire ont accepté de témoigner pour Mammouth Média.

Unsplash : @rawpixel.com

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Alizée et Juliette racontent les méthodes variées de leurs harceleurs pour les désarçonner. Il s’agit de faire valser les affaires de l'une, de pousser l'autre dans un étang ou tout simplement de les piquer à coups d’insultes. Le degré de violence n'implique pas forcément des sanctions pour les harceleurs. Les victimes se sentent impuissantes, n'obtenant ni justice, ni sérénité, ni réparation.

Alizée et Juliette se confient sur ce harcèlement subi en expliquant des cas qu'elles ont pu vivre pendant cette période.

Unsplash : @a_d_s_w

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Le rôle des parents

Alors qu’en France, l’actuel ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal a annoncé une plateforme à destination des parents à l'horizon de janvier 2024, qu'en est-il de la Belgique ? L’impact du rôle parental est-il pris en compte ?

Le rôle des parents est clé dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Comme le précise Maurice Johnson-Kanyonga, psychologue et coach spécialisé pour enfants et adolescents, les parents ont une position centrale. Ils sont les premiers éducateurs, les personnes de référence à la maison, un refuge qui amène l’enfant à se sentir écouté et en sécurité. Ils doivent éduquer leur enfant à vivre avec autrui, mais aussi le mettre en confiance pour parler en cas de problème.

Or, dans les cas de harcèlement, on constate souvent que les victimes ont tendance à se renfermer sur elles-mêmes, par crainte de réactions inadaptées de leur entourage, par crainte de ne pas se sentir compris ou que le harcèlement empire.

"Je n'ai pas osé en parler à mes parents. J'avais un peu honte en fait"
Juliette, victime de harcèlement

@Freepik

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La prise en charge ; ce qui coince

En Belgique, la dernière étude sur le sujet remonte à 2014. Selon Maurice Johnson-Kanyonga, ce manque d'études reflète le manque de considération et de suivi par rapport au harcèlement scolaire. Pour lui, le danger est là : "ces agissements peuvent tomber dans une forme de banalisation". Comment punir un agresseur qui pense n’avoir rien à craindre ?

En effet, il existe des moyens mis en oeuvre par le système éducatif belge au sein des établissements. On peut notamment constater l'existence d'une plateforme en ligne qui sert à offrir un moyen d'écoute aux victimes tout en gardant l'anonymat. Mais, de l'avis du docteur Johnson-Kanyonga, "La communication par rapport à cette plateforme est un peu légère."

Les centres PMS existent dans la plupart des établissements, mais leur efficacité est remise en question quand il s'agit du problème du harcèlement scolaire. C'est le constat que dressent Juliette et Alizée. Ces dernières regrettent un manque de mesures plus strictes dans leurs écoles respectives.

"Si il y a quelque chose qui est mis en place, cela doit se faire savoir."
Juliette, victime de harcèlement

Fatalement, les instances de médiation et d’accompagnement à la jeunesse peinent à se faire entendre, là où les victimes de harcèlement scolaire ne demandent qu’à être écoutées.

Ce qui m'aurait aidé

En parler. En parler c’est s’enlever un poids souvent trop lourd pour un enfant ou un adolescent. Le cercle vicieux qu’est le harcèlement scolaire peut être destructeur pour la victime. En parler peut amener à d'éventuelles représailles de la part du ou des bourreaux. L'enfant est donc bloqué et si la prise en charge n'est pas adéquate. Cela peut vite dégénérer et amener à un scénario parfois fatal. 

Mais où se confier ? À qui en parler ? Même si des moyens sont mis en place dans certaines écoles, ces aides restent timidement diffusées au sein des établissements. Nous avons évoqué la mise en place de centres PMS, cellules d’écoute, de discussions. Malgré tout cela, l'enjeu qu'est l'initiative d’une première démarche à faire persiste.

Comme l’évoque le docteur Johnson-Kanyonga, certaines écoles sont beaucoup plus attentives et proactives que d'autres face au harcèlement scolaire. Dans le pire des cas, la victime de harcèlement se retrouve forcée à changer d'établissement, soit par manque de solutions proposées, soit par peur d’un ébruitement qui pourrait ternir l’image de l'école.

Ce qu’il faudrait donc mettre en place, selon Juliette, ce serait une plus grande médiatisation des aides proposées aux victimes, dans l’accompagnement à l’école ainsi qu’en dehors de celle-ci. Pourquoi pas ensuite offrir la possibilité de sensibiliser sur la prise de parole face à ce phénomène, l’encourager et, à terme, normaliser cette prise de parole. 

Enfin, il serait pertinent, d’après Alizée, de sensibiliser non pas seulement les élèves, mais aussi le corps enseignant. Une pédagogie qui prône l’écoute et un soutien moral permettrait une communication plus fluide au sein des établissements et entre élèves, par la même occasion.

Unsplash : Anthoy Tran

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