La colonisation de Mars

a red planet with a star in the background

Alors que l’urgence climatique est au cœur des conversations, certains envisagent une vie future sur Mars. La planète rouge suscite les convoitises depuis des années et est sujette à un vif intérêt. À l’heure actuelle, la possibilité de la coloniser soulève de nombreux défis. Entre la pression atmosphérique, les températures extrêmes et la question de l'eau, s’installer sur Mars s’annonce plus complexe que prévu…

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17 ans.

C’est le nombre d’années qu’il reste avant que les premiers humains soient envoyés sur Mars. Du moins selon le milliardaire Elon Musk, qui entend concrétiser ce défi d’ici 2040. Georges Champagne, physicien et médiateur scientifique au planétarium de Bruxelles, exprime des réserves quant à la faisabilité de cet échéancier. Il estime le délai trop court car les obstacles restent nombreux. Mais pourquoi une telle fascination ?

Les premiers à découvrir la planète rouge sont les astronomes de l’Égypte antique au second millénaire avant Jésus-Christ. Dans le système solaire, seules quatre planètes solides existent : Mercure, Vénus, Mars et la Terre. Toutes possèdent un noyau, un manteau et une croûte.

Mercure est dépourvue d’atmosphère et donc d’air, ce qui rend toute forme de vie inenvisageable.

Sur Vénus, impossible de respirer et la température y est d’environ 460 degrés, celui qui y poserait un orteil serait immédiatement carbonisé.

Credit Photo : Adis Resic sur Unsplash

Mars, quant à elle, possède des structures de reliefs similaires à ceux de la Terre. On y observe des vallées creusées par l’érosion, des légères traces de lits de rivières ou de fleuves. Bien que son atmosphère soit moins dense, les températures sur Mars peuvent par moments être comparables à celles que nous connaissons.

Quels sont les obstacles à surmonter afin de transformer ce rêve en réalité ?

Credit Photo : Jeremy Perkins

L'atmosphère

L’atmosphère de Mars est extrêmement fine et ténue. Ceci s’explique par le fait que la planète rouge ne possède pas de champ magnétique. Or celui-ci a un rôle très important dans la conservation de l’atmosphère. Il permet de protéger les planètes des rayonnements solaires et des vents de particules qui s’abattent sur celles-ci, explique Georges Champagne. La planète bleue, elle, se voit préservée par un champ magnétique très puissant. Alors que sur Mars, les vents frappent directement et créent plus de radiations à la surface, ce qui fragilise l’atmosphère qui, par conséquent, n’a fait que se dégrader. Aujourd’hui, le volume de l’atmosphère sur Mars ne représente que 1% de l’atmosphère terrestre, soit 99% d’air en moins que sur Terre.

"Sur le long terme, il y a peu de chance de revoir une atmosphère de Mars".
Georges Champagne

Bref, l’astre qui fait tant rêver est inhospitalier. Mais il en faut apparemment plus pour arrêter les chercheurs, qui misent sur la terraformation. Ce phénomène consiste à modifier l'atmosphère d’une planète et sa température pour la rendre habitable. Ils ont imaginé un outil, MOXIE, qui permettrait de séparer le carbone et l’oxygène présents dans le CO2. Il aspirerait l’air martien et relâcherait autant d’oxygène qu’un arbre. L’objectif est de créer un MOXIE géant pour, dans un premier temps, procurer de l’oxygène aux carburants afin que les fusées puissent redécoller depuis Mars.

L'air

L’atmosphère ténue n’est pas le seul problème sur Mars. La composition de l’air est également nocive.

Sur Terre, la respiration est possible principalement grâce à l’oxygène, présent à 21% dans l’atmosphère. L’air terrien est également composé à 0,1% de CO2 et à 78% d’azote, un gaz indispensable au développement des organismes vivants.

Sur Mars, c’est une autre affaire.

Pas d’air respirable : sa composition est toxique, avec 96% de dioxyde de carbone (CO2). Or, pour que l’environnement demeure habitable, le taux de CO2 doit rester en dessous de 11%. La mort et la suffocation seraient donc immédiates sur Mars, rien que de par la présence de ce composé. Quant à l’azote, celui-ci n’est présent qu’à 2,7%.

Credit Photo : Bryan Goff sur Unsplash

La température

L’atmosphère de Mars a des conséquences directes sur les températures, qui, en moyenne, s’élèvent à -60 degrés. Un peu frisquet tout de même. Sur la planète rouge, il peut faire 20 degrés la journée, tandis que la nuit peut descendre jusqu’à… -140.

Pourquoi un si grand écart ?

La faible densité atmosphérique et la pression limitée sur Mars expliquent en grande partie ces variations extrêmes de température. Le sol se réchauffe rapidement sous l'influence des rayons du soleil et perd aussitôt sa chaleur dès qu'il n'est plus exposé. Mars abrite plusieurs zones climatiques, dont une équatoriale connaissant des températures positives. Cependant, dans l'ensemble, la planète rouge demeure bien glacée.

L'eau

Il y a plusieurs milliards d’années, Mars regorgeait de lacs, de mers et d’océans. Mais avec le changement drastique de l’environnement et la perte de son atmosphère, la planète est devenue aride et désertique. 

En 2015, la NASA y a découvert de l’eau sous forme liquide. Un facteur primordial pour la création d’un environnement habitable. Cependant, celle-ci est fortement concentrée en sel et elle semble éphémère. 

“Comme il y a de gros écarts de températures et que la pression est beaucoup moins forte, à certains moments, les glaciers du pôle nord et du sous-sol se mettent à fondre ce qui amène un peu d’eau liquide à la surface, mais celle-ci, la plupart du temps, s'évapore très rapidement”, informe M. Champagne.  

Problème : cette eau demeure très salée. Il semble donc impossible de cultiver quoi que ce soit. Des scientifiques sont donc en train de réfléchir à un moyen pour procéder à une désalinisation. Ils envisagent de traiter le liquide avec une bactérie marine avant de le filtrer grâce à la roche volcanique. S’ils parviennent à transformer l’eau salée en eau douce et à l’utiliser pour cultiver des plantes, ce serait une grande avancée pour la recherche spatiale.

ESA/DLR/FU Berlin; NASA MGS MOLA Science Team

ESA/DLR/FU Berlin; NASA MGS MOLA Science Team

ESA/DLR/FU Berlin; NASA MGS MOLA Science Team

La nourriture

L’eau ne représente pas le seul obstacle quant à l’impossibilité de cultiver le sol martien. Ce dernier est trop oxydant et donc potentiellement toxique. Mars doit d’ailleurs sa couleur rouge à sa terre, constituée d’oxyde de fer, autrement dit, de rouille. De plus, la pression et la lumière sur la planète sont trop faibles. 

Comment peut-on alors faire pousser quoique ce soit sur la planète rouge si l’environnement ne le permet pas ? Plusieurs solutions sont envisagées. 

La première consisterait à la création de modules étanches, sous pression et sous atmosphère artificielles. Les humains envoyés sur Mars pourraient cultiver des fruits, des légumes et des céréales sur des sols synthétiques. Nourries d’eau et d’engrais, ces plantes grandiraient sous des lampes UV.

La seconde serait de trouver un moyen afin de détoxifier le sol martien et d’améliorer sa teneur en éléments nutritifs. Des chercheurs de l’Iowa ont d’ailleurs réussi à faire pousser de la luzerne dans des conditions similaires à celles de Mars. Celle-ci peut être utilisée comme engrais afin de rendre le sol martien plus fructueux. 

D'autres facteurs en plus de l'hydratation et de la fertilité entrent également en jeu pour développer une agriculture martienne efficace.

En effet, un système de bio-régénération doit absolument être mis en place. Le groupe MELiSSA (micro-ecological life support alternative), créé par l’European Space Agency, y travaille et cherche à recycler le dioxyde de carbone et les déchets organiques pour ensuite les transformer en nourriture, en oxygène et en eau. 

L'espace restreint pour une culture intensive ne peut être négligé. Une approche pour surmonter ce défi consiste à construire plusieurs niveaux de culture verticale au sein d'un même volume. Ce système, déjà expérimenté à Singapour, se nomme le Sky Green Vertical Farming System.

Faire pousser des végétaux sur le sol martien n’est donc pas chose simple. Une question se pose alors, pourquoi ne pas juste envoyer de la nourriture en fusée ? 

Credit Photo: Miad Khan sur Unspalsh

Il demeure impossible de transporter la totalité des produits alimentaires nécessaires vu la capacité limitée d’emport des fusées. De plus, le voyage de la Terre à Mars est extrêmement contraignant.  

Le trajet

Dans notre système solaire, Vénus se positionne en tant que planète la plus proche de la Terre. Ensuite, Mars apparaît, situé à environ 220 millions de kilomètres du Soleil. Cependant, la Terre se situe à 150 millions de kilomètres, engendrant ainsi une différence d'environ 70 millions de kilomètres entre la planète rouge et la planète bleue. Les deux astres sont en mouvement autour du Soleil. La Terre met un an à faire le tour du Soleil alors que Mars en met presque deux.

Pour envisager un voyage entre les deux planètes, il faut trouver le moment où la distance les séparant est la plus petite. Théoriquement, il n’y aurait « plus que » 54, 6 millions de km entre les deux. Seulement, ce scénario ne se produit que tous les 26 mois. Il ne s’agit donc pas de rater l’occasion.

 

Une fois le moment trouvé, il sera envisageable d’envoyer des humains sur cette planète en vogue. Le voyage durerait environ huit mois et demi. Le vaisseau deviendrait alors un véritable petit monde autonome. Il devrait fournir eau, oxygène et nourriture à tout l’équipage. Plus audacieux que tout ce qui a déjà été réalisé ou expérimenté pour le moment.

Tous ces millions de kilomètres de trajet ne comprennent que l’aller. Or, à priori, il faudrait aussi revenir…

"Vous faites le calcul, huit mois et demi plus huit mois et demi, ça fait déjà pas mal de temps pour envoyer des spationautes", affirme Monsieur Champagne.

La respiration, la composition de l'air, la nourriture et le trajet représentent autant d’obstacles entravant la colonisation de Mars. Actuellement, l'idée de vivre sur la planète rouge n'est pas envisageable. Pourtant, Mars continue de susciter la fascination et la curiosité. Par essence, l'exploration et la découverte font partie intégrante des valeurs humaines. Mais comme l'exprime Georges Champagne,

"Pourquoi chercher à tout prix à s'envoler vers une planète B alors que nous ne parvenons même pas à préserver notre planète Terre ?"...