Mutilations Génitales Féminines

Un problème au masculin ?

Par Graziella Bordignon, Cécile Delacroix et M'mah Barthélémy Bangoura

Ce 6 février a lieu la journée internationale de tolérance zéro envers les mutilations génitales féminines (MGF). Celles-ci comprennent la clitoridectomie, l'excision ou encore l'infibulation. Bien que ces mutilations ne semblent concerner que les femmes, les associations spécialisées estiment que l'implication des hommes est essentielle pour abolir ces pratiques.

En quoi les MGF concernent-elles les hommes ? Comment et pourquoi le système patriarcal contribue-t-il à les entretenir ? Malgré les tabous et les traditions, les hommes peuvent-ils devenir des alliés dans la lutte contre les MGF ?

Chapitre 1
Une affaire de femmes

Les mutilations génitales féminines (MGF) sont des violences perpétrées sur des femmes, à la demande de femmes et par d'autres femmes.

Khadidiatou Diallo, la fondatrice du GAMS Belgique (Groupe pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles) témoigne. Elle se souvient que c’est sa mère, ses tantes, ainsi que les co-épouses de sa mère qui ont pris la décision de la faire infibuler.

Les hommes sont tenus à l'écart de ces discussions. La pratique représente un tabou pour la gente masculine. C’est une affaire de femmes.

Une fois la décision prise, les actes sont posés par des femmes. En effet, dans la majorité des cas, les mutilations sont exercées par des exciseuses, qui sont souvent aussi sage-femmes ou qui pratiquent la médecine traditionnelle. Pour autant, elles n'ont que très peu, voire aucune connaissance en matière chirurgicale. 

“Elle [l’exciseuse]a hérité de la lame de rasoir de sa maman. Et sa maman a hérité de celle de sa maman.”

- Khadidiatou Diallo

“Si mes sœurs m’avaient expliqué
que ça faisait mal,
peut-être que j’aurais fui.”

- Khadidiatou Diallo

Souvent, c'est le silence qui accompagne la douleur psychologique et physique des femmes excisées. C'est ce qui permet à la pratique de perdurer. Au-delà du silence des femmes excisées, celui des hommes renforce sa légitimité. 

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Chapitre 2

Un enjeu patriarcal

Si les convictions religieuses coexistent avec d’autres valeurs pour les légitimer, les MGF ne s’expliquent pas uniquement par la religion. La violence de ces mutilations, en plus d’être corporelle, est symbolique. Elle s’inscrit dans un contexte patriarcal qui permet et entretient l’existence de telles pratiques.

L'excision permet le contrôle de la sexualité de la femme car, en lui retirant toute capacité de plaisir, la possibilité qu’elle ait des relations hors-mariage serait grandement diminuée. 

Quand tu entends mutilation, attends-toi à entendre mariage arrangé ou mariage forcé”, rappelle Khadidiatou Diallo.

D'après elle, l’excision n’est qu’une étape, voire même une initiation à tout un système : celui de la domination de la femme par l’homme. Ainsi, une fillette excisée risque grandement, dans la suite de son parcours, d’être mariée de force et que son mariage soit polygame.

Plusieurs facteurs clés entretiennent ces pratiques : 

- La peur du châtiment divin, qui enferme les femmes dans le silence.

- Le maintien de l’honneur familial, qui passe par la virginité et la chasteté de la femme avant le mariage.  

- L’éligibilité de la femme, car dans certaines ethnies, les femmes non-excisées sont considérées comme non-mariables. 

- La dot, cette compensation financière traditionnelle qu’un homme paye à la famille de la future épouse afin de pouvoir la marier, est plus élevée pour une femme excisée.

Des absents significatifs

Malgré leur apparente exclusion, les hommes ont une responsabilité directe quant aux mutilations génitales féminines.

Les sociologues Bernard Dembele et Séverine Carillon ont montré que, au sein d’un couple, la parole de l’homme pèse généralement plus lourd que celle d’une femme en ce qui concerne l’excision de leurs filles. Séverine Carillon avance que la non-implication des hommes sur ces questions, de manière totale ou partielle, serait donc significative, voire volontaire et recherchée par la société. 

En participant elles-mêmes à leurs propres mutilations, les femmes deviennent actrices de leur soumission ; et c’est ainsi que le piège du patriarcat se referme sur elles. 

Chapitre 3

L'implication des hommes

Un thème pour libérer la parole

Le 6 février est la journée dédiée à la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. Pour faire régresser ces violences, de nombreux acteurs et actrices de terrain prônent un partenariat avec les hommes et les garçons.

Mais concrètement, comment impliquer les hommes pour en faire des alliés dans la lutte contre les MGF ?

Moussa Diong est le seul homme qui travaille au GAMS, et ce depuis 2003. Pour lui, la sensibilisation par le dialogue est la seule issue : “Je parle d’excision autour de moi. Il n’y a que ça qui puisse changer les mentalités.

Mais changer la mentalité de ces hommes est aussi essentiel que délicat. Pour guider les activités de sensibilisation au sein de groupes de débat, la Communauté de pratiques sur les mutilations génitales féminines (CoP MGF), dont le GAMS fait partie, dresse une fiche pratique sur l’implication des hommes dans la lutte. 

Pour ces associations, la sensibilisation commence par le fait d’aborder les jeux de pouvoir par lesquels les comportements masculins sont conditionnés. Ce travail est à construire au sein de groupes d’hommes de tous les âges, notamment avec des chefs de communautés pratiquant les MGF.

Toutefois, la parole ne leur viendra pas spontanément car l’excision reste un tabou. C’est pour cette raison que la création d’un climat de confiance semble nécessaire. La CoP MGF rapporte qu’aborder ces hommes par des questions larges, sur leur sexualité par exemple, les aiderait à s’ouvrir, à s’écouter. Cela leur permettrait de prendre conscience du privilège dont ils bénéficient et de s’interroger progressivement sur leurs souffrances et par la suite, sur les souffrances infligées aux femmes. 

Déconstruire les arguments qui justifient les MGF est l’étape suivante. Lors de la dernière phase de sensibilisation, les hommes découvriront les contre-arguments à avoir face aux gens qui soutiennent la mutilation génitale féminine.

La CoP MGF estime que cette méthode de sensibilisation par la parole pousserait ces hommes à continuer ce processus au sein même de leur communauté. La parole sensibilise les hommes et libère les femmes.

Parler, parler et encore parler, afin de parvenir à un changement sociétal

- Moussa Diong

Pour aller plus loin

Pour mieux comprendre l'impact des MGF sur le corps et la sexualité des femmes, nous avons représenté les différents types de MGF sous la forme de dessins.

Vulve non mutilée

Toutes les parties de l'appareil génital externe et interne sont intacts.

Type 1 : La clitoridectomie

Ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce.

Type 2 : L'excision

Ablation partielle ou totale du clitoris et des lèvres vulvaires.

Type 3 : L'infibulation

Ablation totale des grandes et petites lèvres, en resserrant l’ouverture vaginale, avec ou sans l’ablation du clitoris. En d’autres termes, l’ablation des organes génitaux externes.

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