MINECRAFT COMME OUTIL DE MÉDIATION CULTURELLE NUMERIQUE

Un projet éducatif, citoyen et ludique par le biais du jeu vidéo

Et si les enjeux sociétaux et environnementaux étaient enseignés dès l’enfance ? Ne serait-ce peut être pas la clé pour un avenir meilleur ? Aujourd’hui, ces questions sont au centre des préoccupations pour beaucoup d’entre nous.

Nous sommes allés à la rencontre du projet Pixel Utopia, un atelier créé pour des écoles primaires ayant pour objectif d’utiliser la technologie (plus précisément le jeu vidéo) comme vecteur de médiation culturelle afin d’éveiller à la citoyenneté et à la politique et de questionner le monde idéal de ce jeune public.

C'EST QUOI ARTS & PUBLICS ?

Fondé en Mars 2012, l'ASBL Arts & Publics est appelée pour promouvoir la gratuité dans les musées par le biais de la publicité, de moyens graphiques divers pour développer une communication attirante pour les visiteurs futurs. Le but de ce premier projet, "Pour 50c, t'as de l'art !" était de créer un accès privilégier à des publics populaires.

L'ASBL porte son action sur des publics divers. Nous allons retrouver la vulgarisation de l'accès à la culture à des publics non-habitués ou dans une situation plus précaire, une utilisation des jeux vidéos comme support éducatif et de débat aux jeunes générations. Au travers de ses ateliers, l'ASBL tend à montrer une autre image plus positive du jeu vidéo, pouvant aussi être un outil de médiation. Enfin, les 8 membres de l'association mettent en place des formations permettant d'accompagner les artistes ayant la volonté de s'adapter aux médiateurs numériques.

Les missions de Arts & Publics s'articulent selon quatre axes : formation, insertion, animation et promotion. Ces pôles sont menés selon 2 terrains d'activités : une partie utilisant une médiation culturelle générale et un second secteur basé sur une médiation culturelle dite "numérique".

Concernant les pratiques pédagogiques centrés autour du jeu vidéo, ce pôle a été créé en 2017 suite à un projet de "développer" un jeu vidéo dans un musée par les utilisateurs pour les utilisateurs. Bien que cette réalisation a été un processus de création en amateur, l'idée était de visiter le musée avec un œil nouveau et de développer un échange entre le public et le personnel du musée.
Ce projet a entrainé chez Arts & Publics une façon d'aborder le jeu vidéo sous un angle critique et citoyen. En passant par ce support, le but est d'intégrer les enjeux de notre société et d'apporter une réflexion (comme un objet culturel avec sa communauté, ses codes, etc). C'est un moyen d'expression alternatif permettant une création artistique.

Il y a deux "styles" d'ateliers différents : la création de jeu vidéo autour d'une thématique et l'utilisation du jeu vidéo comme support pour véhiculer un message ou une pensée. Et d'un autre côté, on retrouve l'utilisation d'un jeu vidéo comme Minecraft afin d'appuyer la création et l’imagination chez un public dans un atelier.

Lors de notre observation sur le terrain, nous sommes allés rendre visite à Ekin Bal, coordinateur de projet à Arts & Publics. Nous avons assisté à son atelier PIXEL UTOPIA où nous avons pu découvrir l'outil de médiation culturelle numérique utilisé dans son contexte.

Arts & Publics

Arts & Publics

Linkedin - EKIN BAL

Linkedin - EKIN BAL

MINECRAFT, L’OUTIL IDÉAL POUR UNE MÉDIATION RÉUSSIE ?

À présent, la pratique technologique fait partie intégrante de chaque domaine, y compris les arts. En effet, les nouvelles technologies ne cessent d’évoluer, il est alors nécessaire de repenser la manière de transmettre, informer, éduquer. La demande du public évolue également et l’immersion et l’interaction deviennent indispensables. À cette adaptation, Arts&Publics a répondu rapidement en intégrant des outils tels que Minecraft dans leur médiation. Même si elle garde son pôle de médiation culturelle générale, ouvrir ce pôle axé sur le numérique est devenu essentiel.

Finalement, Minecraft répond assez bien à cette nouvelle demande. Tout d’abord, cette plateforme est plutôt intuitive, par conséquent une formation n’est pas toujours nécessaire. Ajouté à cela, Minecraft est accessible en mode multijoueur et permet à un groupe de travailler au même moment sur les mêmes assemblages. De plus, Minecraft ne limite pas l’imagination. Il est possible de tout construire à partir d’une unité : le cube.

Cependant, l’usage de cette plateforme ne met pas tout le monde d’accord. En effet, le développeur de Minecraft n’est autre que Markus Persson alias Notch, auteurs de propos que certains qualifient de transphobes, homophobes et misogynes. Alors est-il pertinent d’utiliser ce jeu vidéo comme un outil d’ouverture d’esprit et de citoyenneté lorsqu’on sait que son créateur s’y oppose ? Faut-il dissocier l’homme de la création ? 

Toutefois, depuis 2014, le nouveau propriétaire du jeu est Microsoft. Dès lors, l’usage de Minecraft ne profite plus à Notch. De plus, en mars 2019, Microsoft décida d’enlever son nom de l’écran de lancement dans la dernière version du jeu.

Malgré ces diverses controverses concernant le créateur, nous pouvons qualifier Minecraft, suite à nos analyses, comme un outil pertinent pour opérer une médiation culturelle réussie. Arts&Publics utilise celui-ci dans différents ateliers. GENDERCraft en fait partie. Cette médiation s’adresse particulièrement à des élèves de 10 à 12 ans pour repenser leur cour de récréation. Ce projet aborde les inégalités de genre dans ce lieu mais aussi de manière générale. Il se compose d’une partie réflexion et d'une partie création dans le jeu Minecraft accompagnées par deux médiatrices numériques. Nous avons eu la chance d’observer un atelier composé également de ces deux parties dans le but d’une médiation avec des jeunes.

By mowenmdia

By mowenmdia

By allinonemovie

By allinonemovie

By Egnez

By Egnez

PROJECTION D’UN MONDE UTOPIQUE GRÂCE À PIXEL UTOPIA

Pixel Utopia est un projet d'Arts&Publics ayant pour objectif d’appréhender des concepts flous pour les jeunes à l’aide de Minecraft. En effet, cet atelier vise à évoquer, informer et se questionner sur la politique et la citoyenneté : des thématiques souvent inconnues pour les enfants de 10 à 12 ans. Animé par Ekin Bal, médiateur présent pour animer les débats de manière neutre et veiller au bon déroulé du projet, Pixel Utopia établit un cadre ludique et créatif à l’aide d’un storytelling. 

Il propose aux élèves de construire leur cité idéale dans le monde virtuel de Minecraft. Les élèves sont alors confrontés à une première réflexion : imaginer et discuter le monde utopique de chacun. Durant plusieurs matinées, ils abordent des thématiques telles que la justice, l’écologie, l’économie, la sécurité, les décisions démocratiques,... 

À la suite d’un long débat par sous-groupes, les enfants créent leur parti politique ainsi que les valeurs et les priorités de celui-ci. Ils discutent ensuite des bâtiments à construire selon leurs envies et leurs villes utopistes et passent à l’action dans Minecraft. L’outil laisse place à l'imagination et permet un apprentissage de manière ludique. Les élèves participent de manière volontaire et sont les acteurs principaux de l’atelier. Ils prennent du plaisir et s’entraide lors de la confection de la ville. Pixel Utopia aborde le jeu vidéo sous un œil critique et citoyen. Force est de constater que le jeu vidéo, souvent mal vu, peut être un outil pertinent, innovant et accessible pour une médiation telle que celle-ci. 

Pixel Utopia a été créé pour des élèves de 10 à 12 ans et s’adresse généralement à des classes d’une trentaine d’élèves dans le milieu scolaire. Ce sont les établissements scolaires qui font appel à Arts&Publics. Parfois, les élèves n’ont pas accès aux jeux vidéo à la maison et cet atelier permet également une accessibilité et une initiation à ceux-ci explique Ekin Bal. Avec Minecraft, les enfants ont des possibilités infinies d’innover qu'ils n'ont pas avec d'autres outils comme des KAPLA par exemple, un jeu de construction composé de planchettes de bois que l'on peut empiler pour créer diverses créations. La seule limite de Minecraft est l’imagination.

Après les 3 demi-journées de réflexion et de création, Ekin Bal ramène à la réalité en expliquant différentes initiatives réelles. Le but étant d’appeler les élèves à l’action citoyenne et à la mobilisation pour voir émerger leur cité idéale. 

Malgré les nombreux retours positifs des élèves et des professeurs, l’impact direct de l’atelier est difficilement mesurable. En effet, Arts&Publics a la volonté de mesurer celui-ci mais rien n’est encore mis réellement en place. Pour le moment, l’association ne sait pas prouver que l’atelier change concrètement la vision des élèves. Cependant, Pixel Utopia est un atelier marquant par sa méthode atypique de l’utilisation du jeu vidéo comme médiation.

Ekin présentant une activité

Ekin présentant une activité

Hôpital imaginé et construit par les élèves

Hôpital imaginé et construit par les élèves

Installation des pc pour jouer

Installation des pc pour jouer

Enfants s'appropriant Minecraft

Enfants s'appropriant Minecraft

MÉDIATION SCOLAIRE OU CULTURELLE ?

Les ateliers GenderCraft et Pixel Utopia fonctionnent. Leur objectif de médiation numérique est rempli. Cependant, notons que les deux projets s’adressent à des milieux scolaires. La médiation ne serait-elle pas alors plus scolaire que culturelle ? 

Ces questions, nous les avons posées à Ekin Bal, responsable de l’atelier Pixel Utopia. En effet, ces projets peuvent être considérés comme de la médiation scolaire, malgré les sujets abordés. Pixel Utopia se passe dans le cadre de cours en classe de primaire, tout en amenant du débat et de l’argumentation sur des sujets sociétaux. Néanmoins, Ekin nous informe que Arts&Publics a déjà exploité Minecraft dans le cadre d’une médiation purement culturelle : ForgeCraft. Cela s’est avéré concluant également. 

ForgeCraft est un projet ayant pour objectif d’immerger les enfants dans l’histoire industrielle de la zone du Canal, de Molenbeek et de Bruxelles. Le principe de l’atelier est d’imaginer la fonderie du futur et d’en créer une reconstitution utopiste. Ensuite,  la formalisation se produit à l’aide de Minecraft. Comme dans Pixel Utopia, l’imagination est la seule limite. Cet atelier a été réalisé avec un groupe d’enfants âgés de 9 à 12 ans du centre TEFO, association proposant un panel d'activités pour petits et grands. Ils se sont retrouvés à la Fonderie de Bruxelles, Musée bruxellois des industries et du travail. De par le contexte et le lien direct au musée et la culture de celui-ci, ForgeCraft s’inscrit plus clairement dans une médiation culturelle numérique. 

Pour clore, le numérique comme vecteur de médiation culturelle peut s’avérer être très concluant. En effet, avec le développement des nouvelles technologies, il est maintenant possible de traiter un grand nombre de sujets très variés et de les représenter via un outil numérique aussi divers : podcast, jeu vidéo, réalité virtuelle, … Cette médiation culturelle numérique apporte un côté plus ludique et il est agréable d’apprendre par ce biais là. Cependant, dans le cas de Pixel Utopia, Minecraft pose de nombreuses questions quand il est utilisé en contexte de médiation, culturelle ou scolaire. Effectivement, selon nous, un des avantages de la médiation culturelle numérique est sa capacité à perdurer dans le temps, sans forcément nécessiter un animateur (exemple : par le podcast). Pourtant, l'atelier Pixel Utopia ne sait être indépendant de l’animateur et ne s’adresse pour le moment qu’au même public et au même environnement scolaire. Alors, Minecraft est-il un outil pertinent seulement pour un jeune public ? Pourrait-il s’appliquer à un public plus âgé malgré la fracture numérique souvent vécue ? L’approche du jeu vidéo serait-elle perçue comme trop enfantine pour d’autres publics cibles ?