Rivalité franco-belge, wat is dat ?

Nous sommes en l’an 3 après Saint-Pétersbourg. Toute la Belgique est rongée par le fameux « seum », suite à une nouvelle défaite douloureuse face à l’équipe de France de football. Toute la Belgique, vraiment ? Non ! Une communauté résiste encore au sentiment de haine qui nait dans le cœur de certains supporters des Diables Rouges à l’égard de nos voisins d’outre-Quiévrain . Et on est loin du petit village d’irréductibles, puisqu’environ la moitié du pays ne considère pas les Français comme des rivaux.

On dit souvent qu’il faut éviter les généralisations. Celle-ci a pourtant la peau dure : depuis la demi-finale de la Coupe du monde de football en 2018, les supporters belges et français se haïssent. Pourtant, passée la frontière linguistique de notre plat pays, les notions de « seum » et autres cassage de démarche deviennent très vite flous. En Flandre, aussi bizarre que cela puisse paraître pour nous, Wallons, la rivalité avec la France dans le sport n’existe presque pas.

Un autre rival « bleu-blanc-rouge »

« Pour les Flamands, le vrai rival de la Belgique est la Hollande. Jouer contre la France, c’est comme jouer contre l’Allemagne ou l’Angleterre. On sait que ce sera un gros match, comme on l’a encore vu hier, mais ça n’a pas de saveur particulière. » estime Peter t’Kint, journaliste sportif à la rédaction de Sport/Voetbalmagazine. En Flandre, le match au sommet est bel et bien le « Derby der lage landen », le derby des plats pays.  Édouard, jeune supporter francophone, explique que dans son groupe d’amis néerlandophones « on ne comprend pas les relations si tendues avec les supporters français. En Flandre, il n’y a pas de rivalité avec la France. Je dirais même que les Flamands sont plus dans la rivalité constante avec les Wallons, même au niveau de l’équipe nationale ». Cette rivalité franco-belge serait donc en réalité essentiellement franco-wallonne.

Cette différence entre Wallons et Flamands s’explique par la proximité géographique, la langue partagée mais aussi sans doute par l’accès aux médias des voisins respectifs. Les médias français et francophones ont d’ailleurs été critiqués par certains, leur reprochant de mettre de l’huile sur un feu déjà bien alimenté par les réseaux sociaux. La une du journal « l’Équipe » de ce matin n’a certainement pas plaidé pour la cause d’un journalisme plus constructif. Selon Peter t’Kint, ce n’est pas étonnant que le quotidien français joue cette carte. Mais il n’hésite pas à remettre la situation en perspective : « Quand on lit tout ce qui est écrit dans la presse et sur les réseaux sociaux, et qu’ensuite on voit la plupart des joueurs belges et français se faire de grandes accolades avant le match, on peut estimer qu’il y a un petit décalage entre l’histoire vendue par les médias et puis la réalité ».

Un complexe qui fait mal

En comparaison à la rivalité qu’entretiennent les Flamands avec les Hollandais, l’inimité entre certains supporters français et wallons peut paraitre exagérée. Mais comment expliquer qu'on en soit arrivé là ? Ce qu’explique Peter t’Kint, c’est que les Wallons ont peut-être un peu souffert d’un complexe d’infériorité par rapport au grand-frère français. Un complexe dont les néerlandophones ne souffrent pas réellement face à leurs voisins bataves : « Les Wallons ont longtemps vu l’équipe de France de football comme un adversaire trop fort pour eux. Mais avec la génération dorée, ils avaient enfin l’occasion de montrer au voisin condescendant qu’eux aussi étaient capables de les battre. Ils l’avaient fait en match amical en 2015 et pensaient certainement pouvoir réitérer l’exploit. La désillusion a été terrible. Du côté flamand, on pensait aussi certainement que l’équipe qui proposait le plus beau jeu du Mondial 2018, c’était la Belgique. Mais la pilule a été plus facile à avaler. »

On l’a vu lors de l’élimination de la France par la Suisse lors de l’Euro 2020, les Belges francophones ont encore le goût de la défaite en bouche. L’occasion manquée hier de prendre la revanche a-t-elle calmé les esprits, ou bien la machine est-elle relancée pour un tour ? Réponse en finale de la prochaine Coupe du monde, qui sait ?