Un Centenaire en VR : un retour dans le temps

Bozar Bruxelles

a couple of statues wearing virtual glasses

Photo by Igor Omilaev on Unsplash

Photo by Igor Omilaev on Unsplash

LE PALAIS DEs beaux-arts ET SA VISION

C’est le 4 mai 1928 à Bruxelles que la rue Ravenstein se voit changée avec l’inauguration du nouveau Bozar, aussi appelé les Beaux-Arts. Ce palais naît d’une envie de la Reine Élisabeth et du Roi Albert 1er de créer un temple pour diverses activités sur le thème de la musique et des arts plastiques. Il a été conçu par l'architecte Victor Horta, l'une des figures majeures de l'Art nouveau en Belgique. Au fil du temps, Bozar est devenu l’un des centres culturels les plus influents et importants de Bruxelles. Le Palais a subi différents changements tels que des rénovations et des ajouts d’extensions afin de répondre aux besoins changeants de la scène artistique et culturelle. C’est également son engagement à tenir une programmation diversifiée et innovante qui a contribué à maintenir sa réputation. Aujourd’hui encore, Bozar reste un lieu incontournable pour tous les amateurs d’art et de culture

La mission principale de Bozar est de promouvoir et soutenir la culture et l’art. Pour ce faire, le lieu souhaite vraiment devenir un espace dynamique pour diverses formes d’expression artistiques, telles que la littérature, la danse, les arts visuels, le théâtre… Tout cela en mettant l’accent l’accessibilité de la culture à un public aussi large que possible. Il s'engage à ce que la culture ne soit pas un domaine réservé, mais plutôt une expérience ouverte à tous, indépendamment de l'âge, de la classe sociale ou du niveau d'éducation. Bozar met également en place des évènements favorisant les initiatives éducatives afin d’informer et sensibiliser tout en divertissant son public. On y retrouve des ateliers, des conférences et des visites guidées, visant à démontrer l’importance de la culture et des arts dans notre société contemporaine. Sa vision s’articule en 7 points d’attention : le patrimoine et la création, les sciences et les recherches, la ville et la citoyenneté, l’Europe comme espace culturel, la diversité et l’inclusion, l’art en le bien-être et pour finir l’art et l’environnement.

Depuis 2017, le Palais développe un fort intérêt pour les nouvelles technologies et décide de mettre en avant les liens possibles entre celles-ci et l’art, par le biais d’expositions, de workshops, de conférences, etc.  

L’utilisation des nouvelles technologies a permis à Bozar la création de leur toute première collection d’art, propre à l’établissement. En effet, le Palais est avant tout un lieu d’exposition pour des collections éphémères. Bien que le Palais ait déjà proposé des expériences éphémères en réalité virtuelle, c’est également la première fois qu’ils créent une collection numérique en VR. 

C’est dans ce contexte que Bozar a récemment exploré les possibilités offertes par le numérique à travers l’exposition sur laquelle cet article porte, une exposition basée sur la réalité virtuelle intitulée : “Un Centenaire en VR : Bourdelle.” C’est par le biais de cette exposition virtuelle que nous allons essayer de répondre à la question suivante : Comment le numérique impacte la médiation culturelle ?

©Jean-Olivier Rousseau

©Jean-Olivier Rousseau

le projet centenaire en vr

Avant de parler de la médiation et du numérique en tant que tels, il est pertinent de parler du projet du Centenaire en réalité virtuelle. Après deux grandes années de création, celui-ci a permis au public de se plonger dans l'un des moments révélateurs des débuts du Palais des Beaux-Arts. Il a mis en avant la possibilité de redécouvrir les 5 grandes sculptures d'Antoine Bourdelle, présentées en 1928 dans la Grande Salle des Sculptures du Palais des Beaux-arts. L’artiste mourra en 1929. Grâce à la réalité virtuelle, les participant·e·s ont pu s'immerger dans cette expérience, explorant l'époque où l'art de Bourdelle prenait forme. 

En plus de la VR, le public est immergé dans une médiation orale qui leur permet de se laisser guider au travers de l’histoire du Palais, redécouvrant ainsi les moments marquants de ses débuts. Cette narration vivante a donné une signification particulière à chaque instant, offrant une perspective enrichissante sur l'évolution du Palais des Beaux-Arts au fil des années. Les participants ont eu l'occasion d'observer d'anciennes photos ainsi que des reconstitutions 3D du Palais, durant lesquelles le bâtiment changeait d'aspect sous leurs yeux.

©Bozar, Bruxelles, Benuts

©Bozar, Bruxelles, Benuts

Ayant été accessible de manière gratuite au public, le projet subsidié par l’Union Européenne, a offert l’opportunité de prendre conscience de l'immensité de Bozar à travers la réalité virtuelle. Elle a sensibilisé les visiteurs au patrimoine et à l'héritage culturel dont le Palais peut être fier, le tout dans une durée de huit minutes. L’expérience se passe de manière statique, une volonté de Bozar afin de permettre une immersion moins complexe. En effet, l’utilisateur n’avait besoin que de son regard pour s’immerger dans le paysage proposé afin de s’y aventurer aisément. De plus, ce choix garantit la gratuité du projet car cela requiert moins de coûts.

Ce projet a été pensé et construit dans l’optique de s'inscrire dans les futures festivités des cent ans du Palais. En effet, il constitue une première étape et pourrait être suivi de capsules supplémentaires pour la célébration des 100 ans de l’ouverture du Palais en 2028. 

Tel que mentionné précédemment, le projet de Bozar fusionne le numérique et la culture en revisitant les moments clés de ce palais. Cependant, la médiation liée à ce projet n'était pas constamment assurée. Un manque d'interaction avec le médiateur au sein de la structure pouvait parfois rendre le projet moins accessible pour le public. 

©Jean-Olivier Rousseau

©Jean-Olivier Rousseau

la médiation culturelle et numérique

Le projet Centenaire en VR prend forme grâce à la médiation culturelle numérique. Mais qu’est ce qu’est la médiation culturelle ?

Tout d’abord le concept de médiation culturelle désigne l'ensemble des actions visant à faciliter la rencontre entre les individus et la culture, dans le but de favoriser la compréhension mutuelle et de rendre la culture accessible au plus grand nombre. 

Cela implique donc la médiation entre des œuvres culturelles, des institutions culturelles (comme les musées, les bibliothèques, etc.) et le public. La médiation culturelle va créer des ponts entre les différentes formes de culture et les personnes, en mettant l'accent sur l'interprétation, la participation et l'inclusion.

D’autres part, la médiation culturelle numérique est caractérisée par l’ajout du numérique dans le processus de médiation. Elle tire parti des possibilités offertes par les nouvelles technologies pour rendre la culture encore plus accessible, interactive et participative. 

Néanmoins, lorsque nous abordons la médiation culturelle numérique, il est essentiel d’aborder le phénomène de fracture numérique. Elle touche toutes les catégories d’âges, sociales et professionnelles. Selon FPS Economy, bien que l’on estime qu’en Belgique, en 2022, 93 % des individus établis en Belgique ont utilisé régulièrement internet (au moins 1 fois par semaine), certaines populations restent toujours plus exclues que la moyenne en termes d’accès au numérique comme les personnes âgées de plus de 65 ans ou encore les personnes à faible revenu. La fracture numérique peut-être expliquée par le manque d’accès au numérique mais également nombreuses sont les personnes qui ne possèdent pas les compétences numériques de base ou ne savent pas se servir d’internet. 

Dès lors, la relation de l’individu à la culture peut-être impactée par le numérique. De nos jours, la culture emprunte de plus en plus la voie du numérique pour se diversifier et intéresser davantage les publics. Toutefois, nous l'avons vu, certains publics vivant la fracture numérique se voient désorientés face à cette nouvelle relation entre numérique et culture. C’est pourquoi, une médiation culturelle numérique adéquate est nécessaire pour répondre à cette fracture numérique avec un accompagnement qualifié et de proximité des individus. C’est ainsi que l’essentiel de la médiation numérique est de développer l’aptitude des individus à la compréhension des différents enjeux (sociaux, culturels,..) du numérique dans la culture. 

Bien encadrée, la médiation culturelle numérique offre plusieurs avantages, tels que la possibilité d'atteindre un public plus large et diversifié, de susciter l'engagement et l'interaction des spectateurs, et de renforcer la médiation traditionnelle en utilisant des supports numériques. Elle peut également favoriser la conservation et la diffusion du patrimoine culturel en le rendant accessible au-delà des institutions. 

C’est dans cette dynamique de réinvention que Bozar s’est vu proposé l’utilisation du numérique et notamment de la technologie de la réalité virtuelle pour dynamiser et diversifier leur offre culturelle. Néanmoins, comme nous l’avons vu, certains publics ne sont pas familiers à cette technologie et l’importance d’une médiation numérique semble être de rigueur. L'intérêt du projet était de toucher des non-initiés à la technologie en parlant de sujets simples et qu’ils peuvent connaître. Ce projet est une innovation comparé aux autres projets artistiques déjà réalisés auparavant qui s'adressent déjà un public initié ou familier.

©Bozar, Bruxelles, Benuts

©Bozar, Bruxelles, Benuts

En résumé, la médiation culturelle vise à faciliter la rencontre entre les individus et la culture, tandis que la médiation culturelle numérique intègre les outils numériques pour rendre cette rencontre encore plus immersive, interactive et accessible à un public varié. Ces approches convergent vers un objectif commun : rendre la culture plus inclusive et participative dans notre monde numérique en constante évolution.


©Jean-Olivier Rousseau

©Jean-Olivier Rousseau

©Bozar, Bruxelles, Benuts

©Bozar, Bruxelles, Benuts

LE NUMÉRIQUE, UN RÉEL ATOUT POUR LA MÉDIATION ?

Comme mentionné plus tôt, le numérique, s’inscrivant dans une société de plus en plus numérisée, fait sens dans la sphère de la médiation culturelle et peut représenter, pour elle, un véritable atout. 

Ici, d’ailleurs, c’est simple : ce projet, sans le numérique, ne pourrait exister car tout repose sur la réalité virtuelle. Il aurait été possible de transporter les statues, ça c’est déjà fait, mais cela demande des moyens techniques compliqués et colossaux. Néanmoins la reconstitution de Bozar, fenêtre sur le passé, n’aurait évidemment pas pu avoir lieu. 

Cependant, lorsque l’on utilise le numérique une question se pose : sert-il réellement à la médiation culturelle ou s’inscrit-il seulement dans une volonté de modernisation de l’institution ? Est-il un outil ou plutôt un effet de mode ? 

Pour le centenaire en VR, on dépasse l’effet de mode puisque le numérique y apporte la possibilité de redécouvrir l’histoire de façon moderne et inédite et de s’y plonger de manière immersive. Mêlant thème plus ancien et modernité, elle propose un nouveau mode de visite permettant à celles et ceux attirés initialement par le thème de découvrir la forme et inversement. Favorisant ainsi une démocratisation culturelle et une potentielle réduction de la fracture numérique. Ce qui s’inscrit bien dans les valeurs et missions du Palais des Beaux-Arts. 

Bien qu’un médiateur se trouve sur les lieux pour expliquer comment fonctionne le dispositif, un élément que nous avons soulevé lors de notre analyse est que la médiation culturelle nous semble encore trop peu présente pendant et après l’expérience. Toutefois, elle est induite et créée par tout ce qui a déjà été mentionné mais également par la volonté de pérenniser le projet et de multiplier les capsules « temporelles » sur les grands moments de Bozar. Il est évident que l’utilisation du numérique dans la médiation peut être un atout,  mais il est important qu’il n’en devienne pas le centre. La présence plus soutenue d’un médiateur qui facilite la compréhension du public face à l'œuvre proposée reste nécessaire.

Aussi, même si le procédé est très immersif, celui-ci semble peut-être être encore un peu linéaire, rappelant plutôt une visite guidée. Il pourrait être intéressant de le rendre plus participatif pour que les spectateurs deviennent de vrais acteurs de leur visite. Seulement les coûts pour (développer cela) sont très élevés pour les projets de réalité virtuelle. Si l’occasion se présente, Bozar aimerait beaucoup rendre ces capsules plus interactives et plus longues.

L’implantation d’éléments plus participatifs tels que des choix permettant une visite plus personnalisée et adaptée au rythme de chacun.e ainsi qu’un atelier à postériori en présence de la médiateur pourraient être envisagés donnant lieu à une réflexion du public sur le numérique et sur les reconstitutions historiques de Bozar. 

Il ne faut pas oublier que ce centenaire est une première étape, un premier jet d’un projet plus global et qu’il est évident que tout ne peut pas être parfait dès le départ. La VR demande énormément de moyens techniques, elle est coûteuse,  elle évolue vite et il est parfois difficile de jongler avec tous ces aspects. Dans tous les cas, nous ressortons de cette visite et analyse, avec la conviction qu’elle est un premier pas agréable et efficace et qu’un tel projet s’annonce très prometteur. 

©Jean-Olivier Rousseau

©Jean-Olivier Rousseau

©Bozar, Bruxelles, Benuts

©Bozar, Bruxelles, Benuts