Kōma

En-dehors de la musique, très peu de break.

L’artiste que nous vous présentons aujourd'hui est producteur, DJ, cofondateur du collectif Breaxx et de Gimic Radio. Il a également monté son propre label: Nice People Dancing. Dernier en date à avoir été mis en avant par BXLovesMusic, il s’est produit à cette occasion le lundi 17 février à la Brasserie Surréaliste, où il a pu donner au public un avant-goût de son EP qui arrivera fin mars. Quatre platines pour ce set hors du commun, et de nombreuses cordes à son arc : entretien avec Kōma.

T’as récemment sorti deux singles, le dernier en date étant Outro (Satyr Supervisor), un très beau cadeau de saint-valentin à ton public. On se doute qu’un projet va suivre bientôt ?

Carrément. C’est deux singles qui feront partie de mon prochain EP qui sort le 21 mars sur vinyle. Je ferai d'ailleurs une in-store chez Sono Ventura ce jour-là.

"C’est un projet qui mélange la musique club qui m’influence quand je mixe le week-end, et la musique plus calme, émotionnelle que je fais au studio la semaine."

Pendant longtemps, j’étais en désaccord avec moi-même par rapport à ça, je savais pas trop si je devais faire l’un ou l’autre, et là l’idée c’est de se dire que je fais mon truc, et que je mélange les deux.

Tu parlais de cet équilibre entre la musique club qui t'inspire et les sons plus émotionnels que tu produis. C’est quoi les lieux, les artistes qui influencent ta musique ?

Justement, ce projet va être beaucoup moins club que les sons que j’ai sortis l’année passée. À l’époque, c’était vraiment une track tous les mois, avec des singles plus orientés club.  Là ça va être un mélange entre les deux. Il y a plein d’artistes comme Djrum, Lee Gamble, qui sont graves entre l’IDM (Intelligent Dance Music), la Jungle et l’Electronica. il y a clairement un dialogue entre ces styles de musique, qui ont le même genre d’inspirations, avec des musiques beaucoup plus organiques comme le jazz, le rock ou des trucs comme ça. C’est ça que j’ai voulu faire. En voyant  les lives de Djrum j’ai pris une claque par exemple ! J’aime bien les artistes qui ne mettent pas de barrière entre les styles, et qui font des passerelles entre les moods pour s’exprimer, en mode Aphex Twin.

En parlant de live, on m’a dit que t’allais mixer avec 4 decks aujourd’hui. Tu sais expliquer un peu pourquoi?

Le live pour mon EP n'arrivera pas tout de suite. J’ai envie de voir ça comme un truc vraiment complet, qui pourrait aussi comprendre d’autres tracks qui sortiront un peu plus tard. Le set avec 4 platines, c’est parce que j’ai beaucoup été influencé par de la musique atmosphérique, avec beaucoup de textures, qu’on retrouve d’ailleurs aussi dans le projet. Le but c’est de pouvoir présenter les morceaux de l’EP, mais de pouvoir y incorporer des musiques très texturées d’artistes que j’aime bien, des musiques ambiantes. Et sur le quatrième deck, il y a des enregistrements que j’ai fait à gauche à droite cette année, des conversations avec des gens randoms.

Avant t’étais sur le label Monkey Parade, maintenant t’as créé NicePeopleDancing, c’était quoi la volonté derrière la création de cette structure ?

C’était de pouvoir faire mon truc à moi. En fait, j'étais beaucoup influencé par les jugements des autres. Je pouvais beaucoup changer mes compos, et au final, je me suis rendu compte que je n'avais plus trop envie de ça. L’idée, c’est de pouvoir sortir les choses de manière assez indépendante, que ça représente vraiment mon identité musicale, entre des sons vachements ambiants avec des musiciens/musiciennes, et des sons plus compliqués, brouillons.

Est-ce qu’il y a d’autres personnes qui sont rentrées sur le label ?

Pour l’instant, c’est juste moi. Après, je commence à recevoir des promos, des démos, donc ça me fait réfléchir un peu, mais je pense que je vais attendre le bon moment pour que ce soit  autant intéressant pour les artistes que pour moi. On va d’abord essayer de construire une identité. Je suis déjà content parce que j’ai trouvé des chouettes distributeurs français et allemands qui me suivent pour presser le projet sur vinyle.

Ça représente quoi l’indépendance pour toi ?

Pour moi, c’est essentiel. Surtout pour la musique électronique underground je trouve, parce qu’il y a une ouverture d’esprit, une sorte de terrain vague que l’indépendance seule peut permettre. Continuer à expérimenter des choses,  qu’il n’y ait pas quelqu’un qui veuille brider ou lisser un projet, et pouvoir fonctionner à son rythme. Par exemple, le fait de sortir un vinyle 6 titres avec des sons pas forcément orientés club, c’est le genre de chose qu’un label classique ne ferait pas, commercialement c’est pas intéressant. Soit tu fais un 3 titres club, soit un album, et là c’est entre les deux. je me suis rendu compte que c’est le genre de projets que je veux faire, rythmé, émotionnel, mais avec une narration dedans, donc un projet assez long. Et je ne me sens pas encore prêt pour faire un album.

En 2022, t’as sorti l’EP Stock avec VCR, qui a beaucoup fait parler de lui, on voyait votre merch partout dans Bruxelles. Tu peux nous parler un peu du projet et de ta relation avec lui ?

C’est marrant que tu parles de ça! En fait ce projet c’était un peu ma rencontre avec Arthur (VCR). Il y a deux-trois ans, j’avais changé de logiciel de musique, et lui il s’y connaissait un peu donc il est venu chez moi pour me montrer deux trois trucs.

T’es passé de quoi à quoi ?

De logic à Ableton

La classique !

J’aurais dû le faire plus tôt. Du coup, on s’est vite mis à jammer, à s’envoyer des tracks. Monkey Parade voulait prendre un des sons, alors on s’est dit qu’on allait en faire un EP, puis qu’on allait aussi faire un live. On a passé l’été à deux tous les jours au studio, et on a créé notre amitié là-dessus. On a fait le live deux ou trois fois, et puis on s’est plus quittés.

Kôma et VCR, fondateurs du GIMIC Radio dans les Marolles.

Kôma et VCR, fondateurs du GIMIC Radio dans les Marolles.

Un de vos projets, qui vise à mettre en avant les artistes de chez nous, c’est Gimic Radio. En plein cœur des marolles, bar, radio, pas encore restaurant ?

Non, hahaha, ce n’est pas le but.

Comment est né le projet ? Et comment t’as pu trouver un lieu pareil ?

Il y a un an, on était chez Kiosk Radio avec Arthur (VCR), et on s’est dit que c’était dommage qu’il y ait qu’une seule radio à Bruxelles. On avait eu l’idée d’un endroit mais c’était très excentré donc on avait arrêté d’y penser. Un jour, Arthur, qui bosse pour un autre bar, m’a appelé en disant qu’il avait un endroit. Du coup, le jour même, on a été visité, on a vu le potentiel du lieu et on a décidé de le faire. C’était en mars 2024, on a pris le temps de voir ce qu’on voulait en faire, quelle ambition on allait mettre dedans, et puis on a préparé la programmation. On a fait tous les travaux pendant l’été, et en 6 mois on était lancés.

Il est aussi avec toi dans le collectif Breaxx, tu sais un peu nous rappeler les prémices du projet ?

C’est un collectif que j’ai fondé avec un autre Arthur, Arthur Simon, il y a deux ans et demi maintenant. Le but c’était de mettre en avant la scène anglaise par des évènements, de l’IDM à la Drum&Bass. On a organisé plus de 25 évènements je pense? maintenant on est passés sur un autre rythme avec un event tous les 4 mois à peu près, mais plus gros, avec des plus gros guests aussi. Il y avait pas tellement de teufs break/bass au moment où on a lancé le collectif, et on a senti que les gens attendaient ça, mais qu'il n'y avait pas vraiment de propositions. On a eu de la chance de tomber au bon moment. Depuis le début, les gens sont hyper chauds. C’est cool parce qu’on nous prend hyper sérieusement, on a l’impression d’être au devant de cette scène-là à Bruxelles. Vendredi 21 février, on a notre deuxième événement à Paris, on essaie un peu de s’exporter aussi. Il y a pleins d’artistes étrangers qui sont chauds de venir jouer pour nous. La dernière qu’on a faite par exemple c’était avec Roni, du label parisien Nehza Records, et c’était à sa demande.

"Les gens ont envie d’exporter leur musique et Bruxelles reste un chouette terrain de jeu, les européens en dehors de Belgique adorent Bruxelles et veulent trop jouer ici."

Il y a une réelle volonté d’exporter votre projet à l’étranger alors ?

Ouais, c’était dans nos plans. C’est assez compliqué de s’exporter, mais on a eu plein de bonnes pistes. On arrive à un stade où on a envie de se faire kiffer, et vu qu’on commence à avoir des chouettes connections avec des artistes qu’on kiffe de ouf, on essaye de faire des trucs à l’étranger. C’est trop fun!

On parlait plus tôt de Sono Ventura, un disquaire incontournable pour la musique électronique à Bruxelles. T’as bossé là-bas à l’époque, c’était comment comme expérience ?

J’y ai travaillé pendant un an, et c’était trop bien. J’ai rencontré plein d’artistes, j’ai découvert cette palette extrêmement large de la musique électronique. J’ai surtout découvert toute cette espèce de marché parallèle de la musique électronique en vinyle, pleins de labels, de styles… Le fonctionnement de ce monde là, et comment ça fait partie des piliers de la culture locale. Pour moi t’as les stores, les radios, les clubs, et les artistes. Moi je suis curieux de base, j’aime bien comprendre les choses.

Faire la totale en fait ?

C’est ça. Il y en a un qui reste encore à faire: ouvrir un club.

Ça t’intéresserait ?

Bah en vrai grave, mais c’est pas pour tout de suite.

Comment t’as commencé à rentrer dans le monde de la musique électronique ?

Quand j’avais 17 ans, en festival, j’ai découvert l’électro et j’ai pris une claque. Du coup j’ai commencé à aller en club, j’ai capté la culture du truc, et le fait que ce soit des instruments, des textures nouvelles, pas les sons plus classiques qu’on entend depuis longtemps, c’est ça qui me fascinait. Après, j’ai fait mes classes à écouter les légendes, House/Techno, mais l’IDM c’est ce que je me suis le plus pris. C’est ça qui m’a fait réaliser que ça pouvait toucher plein d’émotions différentes, et la musique que je préfère ça reste celle que je peux écouter en me baladant.

Tu restes toujours aussi éclectique dans ce que t’écoutes ?

Ça dépend des périodes en vrai. Juste avant la création de la radio par exemple, je faisais du son H24 en studio, et là j’étais vraiment à fond dans mon projet. Quand on a commencé la radio, vu que je m’occupais de la programmation et que je ne voulais pas trop être influencé par mes goûts non plus, j’ai écouté des styles de musique beaucoup plus larges, même de la musique pas électronique. J’avais un peu envie de me rafraîchir les oreilles, alors j’ai beaucoup écouté de pop expérimentale, de rock, de jazz… Ça m’a permis de voir ça d’une manière moins subjective, moins influencée par mes goûts et mes émotions, de rester plus ouvert d’esprit.

Pour revenir à ta musique, avec tout ce que tu fais à côté, est-ce-que t’as l’impression que ça te prend beaucoup trop de temps ? T’arrives à avoir un équilibre dans ce que tu fais ?

J’essaie de me mettre des périodes, de me forcer à être mono-tâche. Par exemple, pendant trois mois j’ai fait beaucoup de musique, tous les jours, et je faisais rien d’autre. Donc j’ai plein de morceaux en stock, et c’est aussi là que j’ai fini l’EP que j’avais commencé cet été. L’idée c’est qu’une fois par an, pendant un mois ou deux, je me focus là dessus et je ne fais que ça, sinon c’est pas possible.

"La musique électronique c’est ma vie, et j’avais envie de découvrir tous les aspects de ce monde là: le DJing, la production, bosser chez un disquaire, faire une radio…".

Ça sortira donc le 21 mars, hâte d’entendre ça ! Est-ce qu’on peut aussi espérer que tu défendes ton projet sur scène ?

J’ai pas mal de dates qui arrivent, donc à mon avis je jouerai quelques tracks. Maintenant, pour moi ça reste des sons que j’écouterai pas forcément en club. Je vais faire un live, même si je ne sais pas encore quand. Parce qu’au final, quand je l’ai fait au Listen Festival l’année passée, je me suis rendu compte à quel point c’était génial, et à quel point je kiffais ça, beaucoup plus que mixer par exemple. Parce que ce sont mes morceaux, c’est une performance, je suis hyper concentré avec mes machines.

Plus personnel aussi j’imagine, tu donnes de toi ?

C’est ça, exactement. Du coup, j’ai un peu de mal à les mixer dans des sets club parce que c’est une autre démarche, une autre énergie, et j’avais pas vraiment ça en tête en construisant le projet, volontairement d’ailleurs.

Et si il y a une chose qu’on peut te souhaiter pour l’avenir ?

De continuer à faire ce que j’ai envie de faire, comme j’ai envie de le faire.

En toute indépendance, magnifique. Merci beaucoup Kōma !

Merci à toi !