Valiuz : ce que le « groupe » Mulliez fait de vos données personnelles
Figure incontournable de l'économie française, la famille Mulliez réfute l'appellation de groupe qu'on lui prête. Elle n'hésite pas à faire entendre devant les tribunaux que les enseignes de sa galaxie sont indépendantes. Pourtant, 19 d'entre elles effectuent du profilage publicitaire sans le consentement des internautes via une structure commune, Valiuz, qui interprète les textes de loi selon les besoins.
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En un siècle seulement, la famille Mulliez s’est muée en empire économique aux ramifications internationales et les noms de leurs magasins (Auchan, Decathlon, Electro Dépôt...) résonnent désormais aux quatre coins du monde. Sur le papier, seuls les liens familiaux des dirigeants unissent ces entreprises qui revendiquent leur totale indépendance au sein de la galaxie. Dans les faits pourtant, la gestion des données personnelles de plusieurs sociétés pourrait relancer un combat juridique qui oppose des syndicats aux Mulliez.
Depuis 2011, la CFDT et la CGT tentent de faire reconnaître l’existence d’un « groupe » Mulliez. Une désignation que conteste fermement la famille parce qu’elle lui imposerait une série de contraintes économiques et sociales. Une telle reconnaissance la contraindrait notamment à aligner les prix d’objets similaires dans ses enseignes, à reclasser ses salariés en cas de plan social ou à changer le calcul de leurs indemnités de licenciement.
Jusqu’à présent, la justice n’a jamais été sensible aux arguments des syndicats mais la politique de gestion des données personnelles de 19 enseignes appartenant à la famille Mulliez pourrait raviver leurs velléités. Concrètement, ces sociétés ont formé une « alliance » autour d’un partenaire commun, Valiuz, pour collecter les données des internautes et se les partager à des fins publicitaires.
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En un siècle seulement, la famille Mulliez s’est muée en empire économique aux ramifications internationales et les noms de leurs magasins (Auchan, Decathlon, Electro Dépôt...) résonnent désormais aux quatre coins du monde. Sur le papier, seuls les liens familiaux des dirigeants unissent ces entreprises qui revendiquent leur totale indépendance au sein de la galaxie. Dans les faits pourtant, la gestion des données personnelles de plusieurs sociétés pourrait relancer un combat juridique qui oppose des syndicats aux Mulliez.
Depuis 2011, la CFDT et la CGT tentent de faire reconnaître l’existence d’un « groupe » Mulliez. Une désignation que conteste fermement la famille parce qu’elle lui imposerait une série de contraintes économiques et sociales. Une telle reconnaissance la contraindrait notamment à aligner les prix d’objets similaires dans ses enseignes, à reclasser ses salariés en cas de plan social ou à changer le calcul de leurs indemnités de licenciement.
Jusqu’à présent, la justice n’a jamais été sensible aux arguments des syndicats mais la politique de gestion des données personnelles de 19 enseignes appartenant à la famille Mulliez pourrait raviver leurs velléités. Concrètement, ces sociétés ont formé une « alliance » autour d’un partenaire commun, Valiuz, pour collecter les données des internautes et se les partager à des fins publicitaires.
Une méthode délibérément opaque
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Cette politique de Valiuz a attiré l’attention d’un internaute qui se fait appeler Pixeldetracking. Dans un thread publié en janvier 2023, ce blogueur qui a travaillé dans le domaine de la publicité en ligne s’indigne à propos de « l'exploitation à grande échelle des données personnelles de la part de la famille Mulliez ». Plus précisément, la méthode employée pose deux problèmes.
Tout d’abord, un manque de transparence délibéré : pour entendre parler de Valiuz au moment de la création d’un compte client, l’utilisateur doit fouiller activement, parfois en effectuant de multiples manipulations. De quoi décourager la plupart des internautes qui voudraient cette information. Ce qui interpelle encore davantage, c’est le fait que Valiuz effectue du profilage publicitaire sans solliciter le consentement des internautes.
Imaginons que vous vous intéressiez à un toboggan de jardin sur le site de Leroy Merlin. Valiuz va établir un profil type du parent ayant une maison, des enfants, et un jardin. Decathlon va ensuite pouvoir récupérer ce profil si vous en êtes client et vous proposer une publicité ciblée de ballons de foot ou d’autres jeux de jardin.
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Cette politique de Valiuz a attiré l’attention d’un internaute qui se fait appeler Pixeldetracking. Dans un thread publié en janvier 2023, ce blogueur qui a travaillé dans le domaine de la publicité en ligne s’indigne à propos de « l'exploitation à grande échelle des données personnelles de la part de la famille Mulliez ». Plus précisément, la méthode employée pose deux problèmes.
Tout d’abord, un manque de transparence délibéré : pour entendre parler de Valiuz au moment de la création d’un compte client, l’utilisateur doit fouiller activement, parfois en effectuant de multiples manipulations. De quoi décourager la plupart des internautes qui voudraient cette information. Ce qui interpelle encore davantage, c’est le fait que Valiuz effectue du profilage publicitaire sans solliciter le consentement des internautes.
Imaginons que vous vous intéressiez à un toboggan de jardin sur le site de Leroy Merlin. Valiuz va établir un profil type du parent ayant une maison, des enfants, et un jardin. Decathlon va ensuite pouvoir récupérer ce profil si vous en êtes client et vous proposer une publicité ciblée de ballons de foot ou d’autres jeux de jardin.
L’intérêt légitime : la bouée de sauvetage de Valiuz
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Pour justifier cette récolte de données, Valiuz se base sur la notion « d'intérêt légitime ». « Il s’agit d’un équilibre entre l’intérêt de la société à collecter des données et de l’autre côté de la balance, le respect des droits et libertés de la personne concernée », détaille le professeur Jacques Folon, qui a consacré plusieurs ouvrages à la gestion des données personnelles dans les organisations.
L’utilisation de l’intérêt légitime est donc autorisée lorsque la récolte des données profite aux deux parties. Le hic : le profilage publicitaire ne peut pas se justifier au moyen de l’intérêt légitime selon Jacques Folon et un ancien membre de l’Autorité belge de protection des données (APD).
Contactés par nos soins, les 19 délégués à la protection des données (DPO) des entreprises Mulliez qui font partie de l’alliance ont renvoyé la balle à leur partenaire commun. Un vent favorable nous a toutefois apporté une communication interne entre Valiuz et le DPO d'Auchan dans laquelle ils s’accordent sur les vocables à fournir en interview. « Valiuz fait effectivement du profilage publicitaire sur la base de l’intérêt légitime : intérêt légitime de tout commerçant d’améliorer sa connaissance client pour améliorer l’expérience d’achat de ces derniers et les communications qu’ils reçoivent », peut-on y lire.
De son côté, Valiuz a snobé nos questions lors d’un appel, jugeant le domaine trop technique pour être expliqué. La plateforme s’est contentée de souligner « qu’il faut pouvoir protéger les consommateurs et que les datas sont utilisées pour leur proposer un service de qualité. L’erreur est humaine, le sujet est compliqué donc il peut y avoir des incohérences. Mais pour déceler ces problèmes, il faut une maîtrise que vous n’avez pas. »
À entendre Valiuz, il est nécessaire d’avoir un bagage technique solide pour discuter de la gestion des données personnelles, et des éventuels problèmes qui y sont liés. Si le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) n’est pas votre livre de chevet, il est donc inutile de les contacter. « Mieux vous connaître pour mieux vous parler », drôle de slogan pour une entreprise qui refuse la conversation.
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Pour justifier cette récolte de données, Valiuz se base sur la notion « d'intérêt légitime ». « Il s’agit d’un équilibre entre l’intérêt de la société à collecter des données et de l’autre côté de la balance, le respect des droits et libertés de la personne concernée », détaille le professeur Jacques Folon, qui a consacré plusieurs ouvrages à la gestion des données personnelles dans les organisations.
L’utilisation de l’intérêt légitime est donc autorisée lorsque la récolte des données profite aux deux parties. Le hic : le profilage publicitaire ne peut pas se justifier au moyen de l’intérêt légitime selon Jacques Folon et un ancien membre de l’Autorité belge de protection des données (APD).
Contactés par nos soins, les 19 délégués à la protection des données (DPO) des entreprises Mulliez qui font partie de l’alliance ont renvoyé la balle à leur partenaire commun. Un vent favorable nous a toutefois apporté une communication interne entre Valiuz et le DPO d'Auchan dans laquelle ils s’accordent sur les vocables à fournir en interview. « Valiuz fait effectivement du profilage publicitaire sur la base de l’intérêt légitime : intérêt légitime de tout commerçant d’améliorer sa connaissance client pour améliorer l’expérience d’achat de ces derniers et les communications qu’ils reçoivent », peut-on y lire.
De son côté, Valiuz a snobé nos questions lors d’un appel, jugeant le domaine trop technique pour être expliqué. La plateforme s’est contentée de souligner « qu’il faut pouvoir protéger les consommateurs et que les datas sont utilisées pour leur proposer un service de qualité. L’erreur est humaine, le sujet est compliqué donc il peut y avoir des incohérences. Mais pour déceler ces problèmes, il faut une maîtrise que vous n’avez pas. »
À entendre Valiuz, il est nécessaire d’avoir un bagage technique solide pour discuter de la gestion des données personnelles, et des éventuels problèmes qui y sont liés. Si le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) n’est pas votre livre de chevet, il est donc inutile de les contacter. « Mieux vous connaître pour mieux vous parler », drôle de slogan pour une entreprise qui refuse la conversation.
Focus sur quelques méthodes déloyales
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L’opt-out, pratique illégale mais généralisée
En passant au peigne fin les sites web de 19 enseignes qui ont recours à Valiuz pour la gestion des données personnelles, nous avons notamment observé l’usage abusif du procédé de l’opt-out et un manque délibéré de transparence.
Plusieurs enseignes de la galaxie Mulliez usent et abusent de l’opt-out. Ce procédé part du principe simple que “si c’est pas non, c’est oui”. C’est donc à l’utilisateur de montrer son désaccord. L’opt-out peut prendre plusieurs formes, dont la plus commune impose à l’internaute des cases automatiquement cochées sans son accord. Depuis un arrêt de la cour de justice de l’Union Européenne en 2019, cette méthode est définitivement illégale. Pourtant, elle reste monnaie courante.
Sur le site d’Electro Dépôt, au moment de la création d’un compte, l’utilisateur peut choisir s’il désire ou non recevoir les nouvelles marchandises en avant-première ; en cochant la case “non”, un nouveau texte apparaît où Valiuz est mentionné. Il faut décocher cette case si l’on souhaite ne pas faire partie du programme. Cette mécanique fait état du marketing offensif du site. Ce cas n’est pas isolé : Decathlon ou encore Auchan reprennent ce même schéma.
La « transparence » de Valiuz
Certains sites de la galaxie Mulliez comme Jules ou BZB nous informent de manière assez subtile dans des textes peu lisibles des enjeux et utilisations de nos données personnelles au moment de la création d’un compte client.
Valiuz indique qu’il faut « une vraie pédagogie auprès des consommateurs, ils ont des droits pour qu’ils puissent se protéger ». Ces droits de rectifications, d’opposition, etc. si chers à Valiuz sont pourtant mentionnés en gris clair sur fond blanc à la création du compte.
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