ZÉPHIR, L’ODYSSÉE SONORE

A bunch of ribbons that are flying in the air

Des bancs de l’école aux scènes du Botanique, Zéphir a tracé un chemin sinueux, marqué par l’expérimentation et l’obsession de raconter des histoires. Rockeur en herbe, digger de SoundCloud, puis architecte d’un univers où le jazz flirte avec la néo-soul et le rap, il a lentement sculpté son identité musicale. De Kick Drum, son premier groupe, à Gimme Pizza, jusqu’à l’éclosion de son premier album "Clyde", le Nantais d’origine bruxelloise navigue entre influences de tous les horizons et maturité artistique. Rencontre avec un artiste qui se cherche, se trouve, et redéfinit sans cesse sa propre musique.

CH1 : DES PREMIÈRES NOTES AU PREMIER RAP

M : C'est quoi la première expérience musicale que tu as eue, toi? 

Je ne sais pas laquelle est la première, pour moi il y a plusieurs étapes. Le plus conséquent, au-delà du fait d'avoir été un peu en école de musique, c’est d'avoir jamais réussi à avoir une place en guitare et d’avoir fait deux ans de flûte.

C'est comme quand tu apprends une langue étrangère que tu ne parles jamais et qui passe un peu aux oubliettes. Quand j'étais gamin, le plus conséquent, c'est que j'avais un groupe de rock pour un peu faire la star. Avec mes potes, on faisait du skate, on commençait à boire des bières et je me suis dit : “Pourquoi pas la guitare ?”. De là naît Kick Drum, le groupe dont j’ai fait partie de 13 à 15 ans. On avait notre petit succès local vers L’Ouest de la France vu que j’ai grandi à Nantes. Et je pense juste que ça amusait nos darons de faire jouer des gamins dans des spots assez grunge et connus pour des bons groupes.

Finalement, ça, c'était la première grosse expérience musicale ? 

Ouais, c'était Kick Drum. Donc, on était quatre au début, puis trois, deux guitares, voix et un batteur. Et même en réécoutant maintenant des enregistrements du dernier concert qu'on avait fait, ça me fait toujours marrer, parce que t'as un moi qui essaie de s'égosiller en anglais horrible. Il ne sait pas du tout chanter, il fait n'importe quoi avec sa guitare. Puis à côté, t'as un franco-américain qui lit ses textes à chaque fois, qui raconte comment il prend une douche et ça change à chaque fois. Pour nous tenir, on avait quand même un batteur hyper fort du conservatoire qui s’amusait de fou avec nous. 

Et donc, depuis Kick Drum, t'as abandonné l'anglais ? 

 Maintenant, on revient un peu dedans. Mais ouais, j'ai surtout abandonné le rock et comme les gamins, je suis passé par 40 000 phases. Puis j'ai découvert le rap, un genre qui m'a permis de me reconnecter à mon enfance. Quand j'étais tout gamin, j'étais dans une école à Nantes, à Malakoff, une école de quartier où ils aimaient beaucoup faire des ateliers avec les enfants. On avait eu une fois un atelier slam, à l'âge de genre 9 ans. Et il y avait concours de slam avec tous les enfants de la région dans une salle de spectacle énorme. Et donc ça m'avait lancé dans l'écriture de textes. C'est un truc que j'ai retrouvé, après le rock, en écrivant du rap français. Et puis après, ça a été un peu de l'expérimentation en solitaire, je partais dans tous les sens en m’intéressant à vingt-mille trucs en même temps.

J'étais fan de mouvements un peu Soundcloud, de rap, des trucs qu'on n'entendait pas trop à l'époque. Je fais un peu le daron mais il y a dix ans, c’était des trucs méga techno, il y avait des américains qui commençaient sur Soundcloud à faire ce style, très cloud en fait. C'était le début de la vague.

 T'étais un digger de Soundcloud ?

Moi, j'aimais bien ça. J'étais pas un digger, mais en tout cas, l'expérimentation me plaisait bien. J'étais sur GarageBand dans ma chambre, j'enregistrais des trucs avec mon micro à l'aide d'écouteurs, j'essayais de faire des effets, et puis je savais pas ce que c'était qu'une mesure, donc en fait, ça me plaisait bien et ça m’arrangeait que ce soit expérimental. Je pense clairement que ça sonnait comme de la merde. Mais avec de la persévérance, tout s’est consolidé. 

Quand ça se consolide, le premier morceau que tu sors vraiment c’est Cadillac en tant que Zéphir. Mais avant, tu utilisais un autre blaze, qui est Gimme Pizza. C’est quoi ta musique à cette époque ?

C'était genre Cloud, c'était le début des trucs, un peu avant l'ambiance Oklou  dans ses premiers trucs. Après, j'en viens à faire des sons méga auto-tunés, avec des textes parfois méga trash. Mais bon ! Ça fait partie du process, tu vois. C'était vraiment de l'expérimentation, et je me souviens que ça allait de pair aussi avec les petites vidéos que tu fais quand t'es à l'ERG à Bruxelles. Puis je sortais genre deux ou trois son par an, sans vraiment avoir beaucoup d'ambition par rapport à ça.

 Et c'est quoi le déclic qui a fait de Cadillac le morceau où Zéphir commence et Gimme Pizza finit ? 

Je me suis rendu compte qu’il y a eu une transition où des gens ont commencé un peu à trouver quelque chose dans ma zik. Puis j'ai commencé aussi à matcher avec Yoni, le petit frère d’Ichon, mais aussi avec Bon Gamin. En fait, c'est un engouement petit à petit autour de moi qui a fait que je suis arrivé à produire Cadillac. C'est un peu la première fois que je fais un truc qui ne casse pas les oreilles aux gens et je vais potentiellement avoir un public pour ça. J’ai en quelque sorte atteint une maturité.

Et donc, je me suis dit : “ Zéphir en fait !”. Puis, à chaque fois que j'allais dans un studio et qu'on m'envoyait des versions, ce n’était jamais un wav. avec Gimme Pizza mais Zéphir. Je me suis dit : “si ça tombe sous le sens pour les gens, autant utiliser mon prénom, c'est beaucoup plus simple.”.

Après ça y a deux sons qui débarquent : Ouh (Babe) et Surfer qui ont quand même deux ambiances différentes. Tu la vois comment cette période dans ta musique ? 

 Je vais parler de palier et de maturité. Je pense que dans la création artistique, on a toujours ça et ça peut être dans n’importe quoi. Tu sais, c'est un peu des niveaux de compréhension, des moments de maturité dans ta vie. Des fois, il faut te répéter plusieurs fois un truc pour que tu comprennes et que tu évolues. Je pense que j'ai sorti ces sons-là sous le nom de Zéphir mais que je me cherchais encore. Je n'arrivais pas encore à faire la différence entre toutes les choses que j'écoute et ce que moi je suis. J'ai écouté vachement Laylow, ou en tout cas beaucoup de rap, et je ne me voyais pas faire autre chose à ce moment-là même si j’écoutais plein de choses différentes. 

Il y avait beaucoup de latence entre les morceaux, je n’en sortais pas tous les mois. Tu te donnes le temps d’évoluer et faire évoluer tes morceaux qui n’ont pas leur propre case. Donc, pour moi, ces morceaux-là, je les aime bien, mais ils font clairement partie d'une autre époque.

"En travaillant avec des professionnels, je me suis rendu compte que quand tu sors un son comme sans contexte et que t'as pas d'entrée en playlist, il n'existe pas."

CH2 : LE PRÉLUDE  

En 2022, on sort du confinement, il fait beau à Bruxelles et tu reviens avec 4 / 5, un son trap, dark. Comment est le Zéphyr de cette période ? 

Le morceau a été écrit pendant le confinement. En fait, ce qui s'est passé de fil en aiguille, c'est que, même si Surfer ou Ouh (Babe) sont des morceaux qui, pour moi, sont des états des lieux de moi à ces instants, il y a quand même eu un engouement pour ma musique. Encore une fois, ça a construit des relations qui m'ont amené à faire une résidence avec Nico Felices et Jordan le Galèze pour Clyde, sans savoir que c’était pour le projet. Ça a été deux rencontres phares. Avec Jordan, j'avais quelqu'un qui produisait, qui était dans une démarche aussi d'expérimentation avec une vision de dingue.

Puis tu as Nico Felices, le mec qui arrivait avec le background jazz et qui, pour la première fois, m'a fait découvrir des références de maintenant que je n'oublierais jamais. C'est lui qui m'a fait découvrir D'Angelo

On est partis en résidence et on a produit plein de morceaux qui allaient, encore une fois, dans plein de sens différents. J'en ai mis plein de côté. Et puis, la vie a suivi son cours et j'ai rencontré Jordan Lee avec qui je travaille toujours, qui a vraiment, comme un grand frère, accepté de me suivre sur ce projet.

Donc c'est Jordan Lee qui a un peu fait le conseiller ?

Qui a fait le réal et l'a fait hyper bien et qui comme Nico, comme Jordan Le Galèze m'a fait découvrir beaucoup de choses. En grand curieux, j'aime bien laisser de la place aux gens et je ne pourrais jamais les remercier assez. Maintenant, j'arrive à être confiant quand je te dis que je sais où je vais dans la musique. 

Concrètement, est-ce que 4/5 est le morceau où t'étais sûr qu’il devait sortir avant Clyde ? Est-ce que c'est celui-là ou alors il y en a un autre de l'album qui aurait pu prendre sa place ? 

Non, je trouve qu'il est sorti quand il devait sortir et que ça a toujours été un peu un alien dans l'album. Je suis très content qu'il soit arrivé, qu'il soit un peu sorti du lot comme ça et ait un peu marqué les esprits.

Là où je suis peut-être un peu déçu, c'est que je me suis rendu compte, en travaillant avec des professionnels dans le milieu de la musique, c’est que quand tu sors un truc comme ça, que t'as pas un contexte et pas de sortie en playlist, ton son n’existe pas.

4/5, c'est un son qui aurait pu avoir un peu plus de succès mais c'est le son qu'on adore jouer en live et qu'on fait de plein de manières différentes. Sur certains lives, il y a eu des versions complètement acoustiques, jazzy, électro,... En fait, il est hyper malléable et ça nous donne envie de le rendre immortel.

 "Je kiffe trop les projets qui partent dans tous les sens comme Let’s Start Here. de Lil Yachty. Tout dépend de la manière dont tu les interprètes et qu’ils collent à ton identité. On sera toujours témoins de plein de choses différentes !"


CH3 : UN ALBUM POUR UN ZÉPHIR 

Clyde est ton premier album. Pourquoi avoir choisi ce nom pour ton projet ? Est-ce que le personnage représente quelque chose pour toi ?

Comme tu peux le constater,  je vais dans tous les sens tout le temps. Pour décomplexifier un peu, il y avait un son que j'avais fait en résidence qui était iconique pour moi parce qu'il représentait un peu un synopsis de toute l'histoire. Cet album, c'est effectivement une rupture amoureuse et il le résumait très bien.

Pour moi le personnage représente plusieurs choses, d'abord c'est une relation amoureuse illustrée par le fameux duo de gangsters. Donc, le fait d'avoir Clyde sans Bonnie pour moi c'est fort. Très vite, dans les médias ou même dans l’entourage, ma zik a été associée avec celle de Gainsbourg. Et ça tombe bien ! Étant donné que le projet faisait directement référence à son travail.

 Justement tu parles de Gainsbourg et de Bonnie sans Clyde. Est-ce qu'un jour il y aura Zéphir avec sa Bonnie ou sa Brigitte Bardot ?

On verra, Clyde c'est l'histoire de Clyde sans Bonnie. Est-ce que ça doit devenir l'histoire d'une carrière ? Pour l'instant je ne pense pas parce que je suis déjà parti sur autre chose. Il n'y a pas forcément de suite à cette histoire mais peut-être que oui un jour.

Quand on te découvre, on voit que ta musique est assez éclectique, ça change beaucoup, etc. Comment est-ce que t’as construit ce projet ? 

Musicalement, c'était la réunion des morceaux qui ont une couleur similaire et leur histoire. Dans tous les cas, le fil rouge est sur l'album et je n'invente pas forcément de personnage. C'est un truc qui fait partie de mon état d'esprit sur le moment où j'écris. Cette histoire, c’est un état des lieux après cette rupture amoureuse. On a 4/5 , cette sorte de déambulation nocturne insolente qui ressemble à l’ambiance avant de partir en club. 

Ensuite, le projet s'ouvre, il découvre un peu l'amour pour retrouver des rechutes dans des états d'expression profonds. Cette outro avec Clyde dit tout et permet de passer à autre chose après.

Effectivement, Tous les morceaux sont éclectiques et c'est un truc qui sera toujours présent chez moi. J’aime beaucoup de choses dans la musique. Même si j'ai trouvé ma patte et ma façon d'interpréter toutes ces références, elles existent quand même dans ma musique. Le matin j'ai envie d'écouter de la bossa nova, le soir j'ai envie de me mettre du jazz ou j'ai envie d'écouter du rap pour danser pendant la journée. Je kiffe trop les projets qui partent dans tous les sens comme Let’s Start Here. de Lil Yachty. Tout dépend de la manière dont tu les interprètes et qu’ils collent à ton identité. On sera toujours témoins de plein de choses différentes !

Lors de la création de "Clyde", tu as collaboré avec des artistes comme Loveni et Squall p. Comment ces collaborations ont-elles enrichi ton projet ?

C’est drôle parce qu'encore une fois ils font tous les deux parties d'époques différentes de ma vie. Avec Squall p, que j’ai découvert sur Soundcloud, on a commencé à s'écrire justement au moment où je sortais des trucs là-dessus.

On s’envoyait des messages juste en mode “un jour on fera un truc, un jour on fera un truc”. Là, vu que j'avais un projet qui se concrétisait et lui aussi, je me suis dit : “On fait vraiment ça !”. Il a donc pris un train pour Bruxelles et on a passé quelques jours ensemble. On a fait plein de morceaux et c'est celui-là qui est resté. j’en suis hyper content car je ne sais pas si je referais des sons traps comme ça un jour. C’est pareil, ça appartient à une autre époque.

Loveni, c'est plutôt une relation qui est arrivée après et qui est un vrai ami de tous les jours. Il était évident pour moi qu'il fallait qu'on fasse un truc ensemble pour ce projet. Donc ouais, deux époques différentes pour deux feelings complètement différents et je suis hyper content d'avoir réussi à les mettre dans une même histoire.

Maintenant qu'on est deux ans plus tard, comment est-ce que tu vois ce projet ?

C'est une continuité mais il y a une maturité quelque part. J'étais jeune et j’ai écrit des textes de quand je l’étais. En deux ans, j’ai compris des choses de la vie sur lesquelles je ne réécrirais pas. Lorsque j’entends Clyde, je me rends compte que les mœurs ont changés, que j’ai grandi et que mon intérêt pour la musique s’est complètement ouvert. 

J'ai aussi fait la rencontre d'autres musiciens et j'apprends la musique. il y a un truc où je me suis épanoui, j'aime encore plus les choses un peu plus complexes, c'est une continuité mais plus mature. Pour la première fois aussi, j'ai envie de travailler avec plus de gens.

Il y a un truc où pour Clyde j'ai toujours été dans l'image, j'ai réuni toute l’équipe, j'ai fait toute l'image, toute la cover. Là j'ai envie que les gens prennent cette histoire. Il y a pour ce projet-là des collaborations qui sont magiques, autant d'un point dans le visuel que dans la musique. C'est un peu le Zéphir qui s'est trouvé dans Clyde et va toujours essayer de proposer des choses nouvelles en amenant toujours un peu d’ironie, d’humour et de légèreté dans la musique. J’y tiens !

 "Dans la vie tu peux ne pas te déguiser, mais dans ta musique, tu peux le faire de différentes manières. Je trouve que j'ai toujours été un grand enfant qui kiffe les histoires. J'ai envie que les gens s'évadent un peu comme l’enfant que je suis."

CH4 : UN MORCEAU POUR UN VÊTEMENT

Tu viens tout juste de sortir ton single “Just A Feeling” après presque deux ans.. Qu’est-ce qu’il s’est passé entre “Clyde” et le morceau ?

il se passe qu'on continue à faire de la musique. Quand Clyde est sorti, j’avais déjà des nouveaux sons sous le coude et fait d’autres résidences. J’avais déjà un peu grandi. J’imagine que c’est un peu comme la NASA qui a un temps d'avance sur les trucs électroniques. En gros on ne s'arrête jamais de faire de la musique et de découvrir des choses. Il y a eu d'autres collaborations, je suis reparti en résidence avec Jordan Le Galèze et Alwis qui travaille notamment avec Julie Rains, ancienne membre du duo Juicy, qui elle m'a donné des cours de chant. 

Ce sont plein de nouvelles rencontres et c'est déjà énorme ! Tu grandis, tu t'apprends, tu t'inscris à la chorale. Tu te connais un peu plus, j'écoute beaucoup plus de chansons françaises qu'avant. J'ai l'impression que mon truc reste un peu hybride même si j'aime toujours le rap, j'aime aussi la chanson française, le rock anglais et la pop. Je pense qu'il y a un truc à jouer dans la french touch en ce moment et du coup c'est un micmac de tout ça. À traîner avec des jazzeux, mon oreille s’est habituée aussi au genre. J’ai l’impression que c’est la version 2.0.

 Et le titre, comment il s'inscrit dans ton style musical ?

 Just A Feeling ? Si on l'a sorti en single, c'est parce que, justement, c'est un peu un état des lieux général de ma musique pour le prochain projet. Là, on va avoir des chansons vraiment parti pris, beaucoup plus jazz. Encore une fois, c'est ça que j'aime et que je veux retrouver dans un projet. Il y a des gars qui font du rap conscient et je trouve ça super, mais écouter 20 titres à la suite, tu sais même plus comment s'appelle le titre. Moi, j'aime bien amener un truc avec une histoire. Même si on n'en a pas de base, j’aime en dessiner une avec ma musique. Tout ça mène à Just A Feeling, un son qui regroupe beaucoup de directions.

C'est un peu l'illustration du prochain projet, une petite illustration ? 

Ouais, c'est un peu un teaser parce qu'il sort aussi un peu du lot. C'est une collaboration avec Alban Muranzi. C'est lui en tout cas qui m'avait envoyé la prod, qui l'a fait avec un ami batteur à lui, Jérémy et c'est Victor Defoort à la basse. Après, on a re-bossé dessus, avec Jordan Lee et avec Quentin Zwijsen, le pianiste qui est sur scène. 

Jordan Lee est toujours aussi présent actuellement. 

Ouais, ouais !

T'arrives pas à t'en séparer ? 

Ouais, on collabore tout le temps. Je bosse toute l'image de son projet et du mien avec lui. Lui se charge en retour de toute la musique. On s'apprend beaucoup de choses mutuellement. Donc, c'est une collaboration qui fonctionne vraiment. On a un peu notre îlot, notre truc lorsqu'on bosse ensemble et on passe nos journées ensemble. C'est notre équilibre.

 Donc, effectivement, Jordan est toujours là, même si j'en suis pas peu fier. Moi, qui ai souvent le complexe de l'imposteur de travailler avec des musiciens de fou. Là, je lui ai fourni quand même des maquettes qui avaient déjà un ADN, je savais où on allait. À l'inverse de Clyde, où il y avait plein de trucs.

Lui, il m'a un peu découvert là-dessus. Je suis arrivé à quelque chose et je suis content du projet que je lui ai donné. Puis, il va y avoir aussi un step-up parce qu'il y a une collaboration qui va se faire avec Arthur Brouns, qui est un compositeur classique bruxellois. Son rôle va être d’arranger symphoniquement les morceaux en référence à la chanson française comme ceux de Brel ou encore Gainsbourg. Le but est d’enrichir la musique et de la faire mûrir. 

Sur un de tes posts Insta pour la sortie du titre, tu dis « Une nouvelle histoire commence ». Just a feeling , c'est donc l'annonce du prochain projet. Est-ce que tu peux déjà un peu pitch ce qui nous attend ?

Disons que je vois un peu cet album comme un habillage et que je suis comme Cendrillon qui a perdu sa chaussure. Tu me parlais de Bonnie tout à l'heure. Il s'avère que moi, j'ai trouvé chaussure à mon pied aussi dans ma vie, ce qui m'a un peu aussi épanoui dans ma musique, m'a poussé à vouloir écrire d'autres choses aussi que des sons de... Bref, m'a aussi poussé à vouloir écrire d'autres choses ! Et donc, je suis parti de cette expression “Trouver chaussure à son pied”, d'où le titre du spectacle « Where the F* is my shoe ? ». Pour moi, cet album c'est un peu un habillage où on peut imaginer que chaque son est une sape. Dans le projet, il y a un son où je raconte que je suis nu, sans les habitudes que j'avais, qui fait aussi référence à la personne dont on parle dans Clyde. Et il y a un son que j'ai fait récemment où je parle d'un type qui a une extravagance, une confiance liée à son extravagance. Ce gars s'habille en blanc pour aller au parc. Et pour moi, il y avait un truc autour de cette image, je voyais déjà du vert et du blanc quand je faisais la musique.

 Et je me disais “être quelqu'un qui s'habille en blanc pour aller au parc, c'est quand même avoir du cran” parce que tu sais que tu vas te tâcher. Et pour autant, pour ton image, tu vas quand même aller faire un déjeuner sur l'herbe en blanc. Ce personnage, au final, il se tâche et il aime ça, c'est comme ça qu'il est. J'ai donc ces deux entités-là, ces deux sons, celui où je suis tout nu parce que je me sens seul, et celui où je suis habillé parce que je suis confiant et que c'est comme ça que je suis. C’est ça l’album, un personnage qui s’habille. Tout fait sens avec ma mère aussi, qui est hyper liée à mon univers par sa carrière dans le textile et la mode. Ces œuvres se retrouvent un peu partout que ce soit dans mes films ou sur scène. Et tout ça était cohérent pour moi.

Est-ce que ta mère sera présente sur ce prochain projet où un personnage s’habille ? 

Pour l'instant, je ne sais pas encore. Mais indirectement, oui, parce que je travaille avec un artiste qui s'appelle Jean-François Octave pour tous les visuels de cet album. Et c'est lui qui a fait notamment la cover de Just A Feeling, où on change de direction artistique avec une cover méga pop art. Lui qui a fait des affiches pour Joy Division à l'époque, qui a bossé à New York à fond, notamment à la Factory avec Warhol. C'est lui qui a fait la station du métro à Heysel, où c'est un truc avec plein de carreaux. D'ailleurs, dans cette station de métro, il y a mon portrait, quand je suis bébé, quand je suis né, parce que c'est le meilleur ami de ma mère depuis toujours et que j’ai toujours été sa muse.

 Il a toujours fait des choses avec mon image, pour ses expos. Je me suis dit qu’il devait faire le visuel de l’album. Indirectement ma mère est là grâce à ce trio entre elle, son meilleur pote et moi. Elle l'est aussi pour tout le storytelling, tout le sens que ça amène, parce qu'il y a un projet, on va dans plein de trucs, il y a un projet conséquent qu'elle bossait, qui s'appelle “La garde-robe” où elle habillait des personnages en blanc. Je n'avais même pas de titre quand j'ai fait cette histoire, mais c'était présent quelque part.

 Oui, ça t'a quand même marqué.

Ouais, j'ai dansé dans cette garde-robe quand j'étais gamin, sur des scènes de spectacle, tu vois, donc oui d’office. Puis il y a un truc, ce nouveau projet, tu le verras à l'écoute. Si tu vois le spectacle, j'amène aussi une dimension vachement plus théâtrale. Il y a un truc où je me sens libéré de faire ça comme ça. Je trouve que le personnage un peu Chapelier d’Alice au Pays des Merveilles ou Willy Wonka est chouette à s’approprier. 

 Tu as toujours voulu être un Willy Wonka ?

Non, non, par exemple dans Clyde, j’étais pas du tout là-dedans alors qu’aujourd'hui, oui, peut-être plus. Puis ça se trouve, demain, je serai un cow-boy, tu vois. C'est chouette ! Dans la vie tu peux ne pas te déguiser, mais dans ta musique, tu peux le faire de différentes manières. Je trouve que j'ai toujours été un grand enfant qui kiffe les histoires. J'ai envie que les gens s'évadent un peu comme l’enfant que je suis. Je veux qu'on puisse rire, qu'on puisse pleurer et qu'on puisse se projeter dans mes histoires.

Je trouve ça plus fort de faire de la musique en imaginant un film, en imaginant une scène, en imaginant ce personnage qui la chante. Même s’il y a plein d’artistes qui le font. Par exemple Bonnie Banane l’a et c’est magique. C’est incroyable pour un artiste car ça lui permet de donner ce qu’il a pour le moment et après passer à autre chose un peu comme la carrière de Tyler the creator.

C’est pareil pour moi, mon projet peut parler à d'autres gens plus tard. Et puis moi, je serais passé à un autre stade. Ça n'empêche pas qu'il y aura peut-être des ponts et des liens entre tous.

Trop bien la réponse, j'ai trop kiffé !
J’en viens à la dernière question, la plus simple. Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ? 

Qu'est-ce que tu te souhaites à toi-même ?
Tout ce que je souhaite, c'est que les gens aient accès à ça et qu'après, qu'on aime ou pas, chacun en fait son truc. Mais si au moins, les gens qui pourraient aimer, tombent sur cette histoire, ça ne me ferait que chaud au cœur, tu vois. Le fait de savoir que les gens ont eu l'occasion de l'écouter, de s'y plonger, de se référer à leur propre histoire en écoutant. 

Merci pour cet entretien Zéphir, on se voit au concert ! 

Merci à vous !